Va donc chercher le plan dans le tiroir du bureau. Je ne me fais pas prier. Mon plaisir est intact lorsque je déplie d’abord la verticale puis le long accordéon. Je fait bien attention à ne pas déchirer le papier blanchi dans l’angle des pliures. Ils se rapprochent alors de la carte posée bien à plat au milieu de la table de la cuisine au centre du rond de lumière Il est tard il faut aller te coucher à présent. Je fais mine de partir puis sous un faux prétexte revient près de la table. Mes yeux balayent la surface. Leurs index tracent des chemins sur le papier épais. Mon père explique: tu vois le sentier qui monte aux alpages après le ruisseau courant jusqu’à la plaine. Ensuite les escaliers taillés dans la roche claire conduisent au plateau à la végétation éparses. Etoiles d’édelweiss. Le pic pointe vers le ciel sa croix. Il est tant de descendre par la combe de mai où vivent bien cachés les chamois et les marmottes. Et moi, je vois le relief se former au dessus de la carte. Les cônes bruns des montagnes ceint de lignes droites horizontales où la minuscule croix noire se dresse du papier. Mais, tu n’es pas encore couché? Alors on me laisse, avec un air amusé refermer doucement la vieille carte que leurs pères étudiaient le soir dans le rond de lumière jaune, bien à plat sur la table de la cuisine. Le papier craque au pliures, il faut faire attention de ne pas se tromper de sens pour l’accordéon sous peine de tout recommencer, puis refermer la verticale. Et ranger dans le tiroir du bureau les montagnes, les ruisseaux la combe et les alpages à côté de la fleur d’édelweiss séchée. Étoile aplatie dans son cadre de verre.