J’accède par une volée abrupte de marches grisâtres que le frottement des pas a creusé au milieu odeur de poussière de champignons sol de terre battue humide lampe faiblarde sur l’étroit couloir où s’alignent les portes de planches disjointes rognées en bas numéros tracés à la craie presque effacés puisqu’ici chacun sait qu’elle est la sienne même après avoir délaissé dix ans les lieux par horreur d’y descendre me mêler aux toiles d’araignées épaisses noirâtres s’accrochant à tout aux doigts aux cheveux cliquetis intermittent du compteur collectif d’eau perdue la clé du cadenas ouvert à coup de marteau rien à voler les gonds grincent comme ils le doivent fouillis de bouts de bois de valises oubliées emplies de vêtements d’enfants à la mode d’il y a vingt ans luminaires cassées meubles démontés objets au rebus que je n’ai jamais eu le courage de conduire à la déchetterie formant une masse compacte aux contours de monstre endormi une ouverture à l’angle du plafond fine tel un coup de couteau ouvre sur la cour vagues lueurs je pousse du bout du pied les ombres logeant les trois mètres carrés de ma cave certaine de ne pas trouver ce que j’ai oublié que je cherchais m’aventure un peu plus loin derrière attirée par une lumière plus vive suivant la pente douce d’un boyau cimenté éclairé d’ampoules pendues à leur fil tous les cinq pas un trait de poison rouge à l’angle du mur et du sol ça tourne vers d’autres caves proprettes entre leurs parpaings passés à la chaux portes en fer serrures je reconnais le sous-sol de l’immeuble plus récent éloigné de deux gros kilomètres au sud où je vivais enfant pas toucher la mort-aux-rats pas bonbons disait la mère on remontait une bouteille pour les invités voilée d’une fine couche de poussière entre mes mains attention de ne pas la lâcher me perds dans ce couloir infini plongée sans lampe torche bête de l’avoir pas prise dans l’obscurité des profondeurs tunnel de terre riche propre à la culture où les cousins m’ont dit pour m’effrayer que vivaient des chauve-souris c’est vrai je les ai vues voleter la nuit la grosse clé cognant le verre de la bouteille que j’ai été envoyée trouver peur de ne pas me diriger vers la surface me tromper de sens m’enfoncer davantage m’enterrer vivante recroquevillée au fond de la grotte pareille à Robinson dans le boyau aux parois lisses comme de la chair perdant le compte des journées le temps s’arrête où il a commencé dans ce réseau secret de galeries communicantes reliant les demeures entre elles que l’on raconte avoir été creusées sous le village pour toutes occasions de résistance à l’ennemi de dissimulation à la maréchaussée d’amours interdites où celle qui s’égare est condamnée à errer sans vieillir éternellement enclose dans le ventre de la baleine.
« errer sans vieillir » c’est une belle perspective si on enlève « éternellement » surtout s’il reste des bouteilles voilées de poussière
Oui l’éternité c’est long surtout vers la fin comme disait l’autre, s’enfoncer dans la terre retour à la mère entrée dans la mort, il faut bien un viatique adoucissant tout ça.
ouvrirait à étrange fiction via transposition à la 3ème personne… bel engrenage ryhtmique
Merci François. Je commence à entrevoir que faire de tout ces fragments accumulés, un livre numérique en réseau, non linéaire me tente assez (pour le moment).