Trouver un lieu. Tourner autour. Les alentours, le dehors et le dedans. L’envie de retrouver Lafond. Une habitude. Retrouver la maison de l’été. L’insouciance. Et puis, Street-view, parcouru lors d’une autre proposition a emporté ma curiosité ailleurs, vers la maison de campagne de Rebréchien. Je n’aimais pas m’y rendre. Les souvenirs ont, pour la plupart, fait demi-tour.
D’abord, ce qui tourne, c’est le tour de l’église. J’ai toujours fait le tour de l’église en arrivant. Les alcôves entre les piliers, le vertige de regarder son clocher. La boucherie à droite, de l’autre côté le boulanger et puis un café et la place devant la maison. Circulaire, couverte de graviers gris. Une maison habitée à l’année, toujours fleurie. Une autre les volets fermés. Puis la route, l’église de l’autre côté et la maison de Suzanne, la voisine, puis la nôtre. Passer la porte, sentir l’humidité du couloir traversant. A droite la salle à manger où l’on n’allait jamais… Non… c’était une chambre où dormaient mes parents. De longs voilages de coton blanc, une commode à trois tiroirs où un cadre renfermant une photo en noir et blanc de ma mère était posé. Elle avait dix-huit ans, elle était belle. Je lui trouvais une ressemblance avec la reine Elisabeth, jeune. Peut-être le bouclé de ses cheveux. Une porte menant au grenier, un lit au couvre lit de coton bleu foncé, sa tête de lit en bois. Aucun souvenir de cadres accrochés au mur. Je la revois vide de décoration. Il y avait certainement une chaise pour poser les vêtements et une grande armoire. En face, la chambre de mémé. Un grand lit étroit que nous partagions. Une bouilloire rose au fond des draps. Une commode sûrement, une tapisserie sombre, couverte de fleurs ou de formes géométriques, une table ronde sur laquelle on ne mangeait jamais et posée bien au centre, des fruits en plastique dans une corbeille de porcelaine. Accroché au mur, la peinture des coquelicots certainement, celle qui orne maintenant un autre lieu. La fenêtre donnant sur la place, la poutre du plafond piquée d’assiettes peintes de décors dont je n’ai plus le souvenir. Au bout du couloir, la cuisine donnant sur le jardin. Une grande table en formica jaune, un vaisselier aux portes vitrées renfermant une série de verre rose fumée, des petits, des moyens, des grands, la carafe assortie, des verres à pied en cristal pour l’apéritif, la porte donnant sur le jardin, ensuite l’évier. Aucun appareil d’électro-ménager. Au-dessous des placards en bois blanc aux poignées simples. Où se trouvait la gazinière ? A l’opposé ? Je tourne sur moi-même sans la retrouver. Une porte donnant sur un cagibi transformé en toilettes et salle de bain. Dans le jardin des hortensias fanés et puis, et puis… des rosiers près du puits, le potager bordé d’une allée de chaque côté, un grillage donnant sur la cours de la voisine avec qui on discutait forcément, des pruniers, un pommier, un lilas, au centre une bande de terre cultivée, des tomates, des haricots, salades et poireaux. Des toilettes extérieures longtemps utilisées, une porte en bois percée d’un petit trou rond faisant office de poignée, un crochet à l’intérieur pour la refermer et des toiles et des toiles et des toiles d’araignées. La lampe de poche balayait l’endroit avec appréhension. Une maison basse sans étage ni garage, la voiture stationnée devant la porte. Autour quelques maisons puis des champs, des champs de blé à perte de vue, une route infinie jusqu’à croiser la forêt, des lignes droites, droites et vides, faire un tour en vélo, le tour de la place, le tour du saule pleureur du jardin de la copine, revenir toujours au même point, repartir le dimanche soir. Me souvenir du silence, de l’immobilité, des toiles d’araignées des toilettes extérieures, le sentiment d’abandon des hortensias fanés.