Si vous voulez absolument habiter rue des poiriers, vous aurez le choix entre les collines autrefois en vergers au-dessus de la Saône ou du Rhône (Lissieu, Limonest, Chaponost, Saint-Symphorien d’ancelles ), la région de Montpellier (Montpellier, Balaruc-les-bains, Prades-le-lez) ou les Antilles françaises au choix, Guadeloupe (Baie-Mahault, Les Abymes, Sainte-Anne) ou Martinique (Le Robert, Ducos, Schœlcher). Bien sûr sous les tropiques ce ne sont pas les mêmes poiriers; les fruits des poiriers-pays ressemblent plus à des gousses de haricots qu’à des poires. Rue des poiriers quelque soit la latitude, vous habiterez dans un lotissement avec belles et grandes maisons, souvent avec piscine, parfois avec vue sur la mer, exceptionnellement les deux. Ce sera une allée, une rue, une avenue ou une impasse, rarement rectiligne comme il se doit dans les lotissements, mais rarement la googlecar y passera ce qui vous assurera une parfaite intimité. Si vous choisissez de n’avoir qu’un poirier et d’habiter rue du grand poirier ou rue du poirier tout simplement, le choix sera encore plus grand vous pouvez espérer la banlieue parisienne (Morangis, Argenteuil, Antony, Montigny-le-Bretonneux) si vous acceptez de célébrer l’unique poirier qui y vécut jadis (poirier Marie, poirier fourrier, poirier du Gange, poirier saint martin, poirier piquet). C’est plus pavillonnaire, moins végétalisé, parfois même collectif (à Viry-Châtillon). Ah ! les poiriers de la banlieue de Paris, autrefois. Peut-on qualifier les rues des ou du poirier de belles adresses ? Sans doute. Pas prestigieuses, mais neutres et fleurant le terroir et l’histoire locale, ce qui est toujours agréable lorsqu’on choisit de quitter la ville pour la campagne. À Lissieu, il y a encore des vergers de poiriers au bout de la rue, ailleurs je ne sais pas.
L’adressage c’est l’histoire des communes. Il répond à des objectifs et à des normes dont ne sont dispensées en France que les communes de moins de 2000 habitants : fluidifier la circulation, faciliter l’intervention pour les secours, permettre aux usagers de se repérer plus facilement, faciliter le recensement et l’élaboration des listes électorales, simplifier l’implantation de la fibre pour les techniciens. Si vous voulez la fibre, mieux vaut avoir une adresse ! Évidemment c’est politique. Imagine-t-on une rue Thomas Sankara à Lissieu ou même une place Bagassi ? Il existait pourtant il y a encore quelques années un comité de jumelage Lissieu-Bagassi, qu’est-il devenu ?
J’imagine un jour où les adresses, noms de rue, d’allée, d’impasse, d’avenue, de chemin, de cour, de quai, de passage, de route, de ruelle ou de square auront disparu pour être remplacées par de simples coordonnées GPS précises et techniques. On y perdra tous ces noms vernaculaires qui ont subsisté, on oubliera un peu plus qui étaient ces écrivains, musiciens de politiciens. Mais on se passera facilement des rues des glycines et autre impasse des cytises, chemin des mésanges et route des chardonnerets. D’ailleurs personne ne s’aventure plus nulle part sans GPS au risque de se perdre. Et comme alors il y aura la fibre partout.