« Comment tu t’appelles ? » Dans la nuit tombée, je suis penchée, referme les volets, trop grands, trop lourds, qui m’arrachent l’épaule. Tout en bas de l’angle aigu, sombre, dans l’interstice des panneaux de bois, une face levée vers moi. Du rez-de-chaussée à angle droit vers le deuxième étage où je me trouve, un visage à contre-jour, glissé dans l’entrebâillement des volets de son appartement. Un visage à peine éclairé par un lointain réverbère. S’adresse-t-on à moi ? J’hésite. La place est un lieu de passage. J’observe dans ce petit espace la tête qui porte sa voix jusqu’à moi. Je la distingue à peine. « Comment tu t’appelles ? ». Un deuxième essai. Mon silence. Il aurait fallu ne pas craindre l’autre, freiner cette rampante injonction intérieure exigeant de ne pas répondre. Il aurait fallu oublier que la nuit favorise l’audace et comprendre que sous la question vibrait un appel. Il aurait fallu entendre la solitude qui parvient à briser toutes les timidités. Il aurait fallu un peu plus d’humanité peut-être.