# 40 jours # 02 / Résidence
La maison de repos dite Résidence, à la façade saumon, pas fraîche à l’intérieur — aux normes actuelles elle ne fera pas de vieilles arêtes — construite en 1930 dans un style vaguement moderniste, trois étages plus un tronqué pour la cage d’ascenseur et l’accès au toit plat gravillonné — le personnel vient y faire quelques micro-pauses cigarettes — une technicienne de surface en période d’essai ayant eu la bonne idée, une seule fois, de faire sécher les lavettes, loques, torchons, serpillères, synthétiques de toutes les couleurs, en les accrochant à la rambarde de l’escalier de secours, c’était joli comme des drapeaux zens, son contrat n’a pas été prolongé ; au rez-de-chaussée un salon commun, aux sièges plastifiés, un résident a pris l’ habitude de frapper la fenêtre à rue avec sa canne pour alerter les passants, mais de quoi, il ne s’est pas rendu compte qu’on avait enlevé la façade, il pourrait fuir, il frappe dans le vide ; on ne voit pas les cuisines, qui donnent sur l’arrière, mais ça sent la soupe, tous azimuts, dès huit heures du matin, et aux étages, si l’on passe d’une chambre à l’autre, on passe du lit au fauteuil, tous orientés vers la télévision, sédatif économique, évènement aujourd’hui on a dû appeler les pompiers pour amener à l’hôpital pour examens un pensionnaire souffrant d’obésité morbide, il ne passe plus ni dans l’ascenseur ni dans la cage d’escalier, l’absence de façade leur a facilité le travail.
Femmage à Charlotte B…: À l’autre bout de la ville, à la naissance du canal du Roi, la cour des miracles a pris ses quartiers d’été sur les berges herbeuses, ça patine à tous les niveaux, la peau des vieux ne tient plus qu’à un fil de réel, on voit la poutre et pas la paille, pas la pagaille, ça vit et ça meurt, ça désire décapoté à ciel ouvert, on rentre à la maison en brouette, on oublie de photographier, on n’appelle ni les pompiers, ni la police, ni les nouveaux propriétaires japonais.