Elle sculpte ses petits santons à la lueur d’une bougie. Elle y met du cœur. Elle les modèle et les soigne. Elle les veut réalistes, susceptibles de pouvoir vivre dans la maison. Et elle les place. Les disperse dans les petites pièces. De manière aléatoire, elle dirait.
D’emblée, l’atmosphère change. Comme s’ils permettaient enfin à l’habitation d’évoluer de son plein gré. C’est ce qu’elle souhaitait.
La cheminée est en activité : du feu en sort, ce qui fait fuir les pigeons posés sur le toit en pointe. Au même moment, la mansarde s’allume. Petite vignette qui s’offre à la vue. Aucun rideau. Aucune pudeur. Un étudiant de passage, ayant loué l’espace, est assis à son bureau, une pile de dossiers (sans doute des syllabus) devant lui. Peut-être a-t-il du mal à se concentrer (on le voit plié en deux, la tête bien trop penchée en avant et soutenue dans sa lourdeur par une main gauche vigoureuse). Il espère ainsi, par son spectacle, qu’on le plaigne. Il nous fait face mais reste courbé vers son ouvrage. Rien d’autre dans cette pièce sommaire que cette table rectangulaire, les papiers, la chaise et l’étudiant. Il dort donc et mange ailleurs. Peut-être est-il finalement un membre de la famille, et cette pièce ne sert-elle qu’à s’isoler.
Le deuxième étage possède justement deux chambres et une salle de bains. L’une des pièces, la première en partant de la gauche, est inoccupée mais généreusement fournie. Outre son lit imposant, tout en longueur et en draps dégoulinants de têtes de Mickey, on peut deviner, en vrac : une petite bibliothèque, type Ikea, surtout utile pour y entreposer des jouets (principalement en plastique), des boîtes, des bandes dessinées ; d’autres jouets dispersés au petit bonheur la chance sur le sol (des figurines ? des dinosaures !) ; une chaise (des vêtements y ont été jetés) ; un spot encastré dans le mur droit, qui diffuse au plafond des constellations. Le moment est propice à l’observation de ces étoiles projetées. La nuit est largement tombée. Où diable est le garçonnet ? A une heure pareille, le petit est censé dormir… L’étudiant, qui, un étage plus haut, souffre de ses contraintes scolaires, le sait-il seulement ?
L’autre pièce contiguë à celle de l’enfant est la chambre des parents. On n’y aperçoit presque rien. Ici, les rideaux ont bien été tirés. A peine devine-t-on deux silhouettes allongées dans la pénombre, paisibles. Et encore, peut-être ces personnages n’existent-ils déjà plus. Après tout, n’est concret que ce qui est visible, non ? [à suivre]