Cinquième étage droite. Cuisine aménagée personnes handicapées. Larges proportions. Buffet contre le mur du fond. Longue table au centre. Cinq chaises dépareillées. Un fauteuil roulant. Garçon tétraplégique. Bol posé sur la table. Jeune fille. Penchée. Porte la cuillère. La bouche du garçon. Qui tourne la tête. Semble rire. En appui sur le buffet. Le père. Triste. Hall d’entrée. Centre. Carrelage décoration contrebassiste. Bleu. Stylisé. Boîtes aux lettres. Cassées. Éventrées. Ascenseur au fond à droite. Porte de l’escalier. Une petite quinzaine de lascars. Zonent. Se disputent. Discutent. Bloquent l’ascenseur. Triturent les boîtes. Organisent le deal. Rigolent. Cinquième étage gauche. Salon. Table et bancs. Étagères. Livres. Séparation de la pièce. Banquette noire. Trois plis. Repliée. Chaîne hi-fi. À côté. Support CD. Un homme. Trentaine d’années. Titube. Guitare de jazz. Demi-caisse. Tenue par le manche. Près de la tête. L’envoie valser contre la cloison. De toutes ses forces. Décuplées par l’alcool. La guitare se casse. En deux. Laisse un trou. Dans la cloison fragile. Premier étage. Toute la surface. Bureaux en open-space. Vides. Encore éclairés. Partiellement. Ordinateurs allumés. Écrans de veille. Ordinateurs éteints. Écrans noirs. Bureaux. Lisses ou encombrés. Plantes vertes. Grises. Rangées de rayonnages. Séparations à mi-hauteur. Poussière. Semi-obscurité. Deuxième étage. Extrême droite. Salle d’eau. Une femme. Inclinée. Contre le lavabo. Se passe de la crème de nuit. Sur le visage. Boule de coton. Salie. Poubelle. Se lave les mains. Tire le rideau de douche. À sa gauche. Prend sa brosse à dents. Dentifrice. Crache. Se gargarise. Crache. Brosse à cheveux. Se coiffe. Repose la brosse sur la tablette. Quitte la pièce. En éteignant. Quatrième étage. Gauche. Chambre de musique. Canapés le long des murs. Table basse. Centrale. Avec plateau d’argent. Martelé. Thé. Froid. Restes de gâteaux. Un homme. Assis. Cinquante-cinq ans. Peut-être soixante. Un caniche dort. Non loin. Tout blanc. Sur le coin de deux canapés. L’homme tient un luth. Commence à travailler ses mâqams. Quatrième étage. Droite. Pièce pas éclairée. On ne distingue rien. Peut-être une chambre d’enfant. Peut-être un bureau délaissé. Peut-être un boudoir. Troisième étage. Centre. Grande cuisine. Plan de travail. Long. Avec cuisinière. Avec lave-vaisselle. Avec double évier. Le frigo. De l’autre côté. La mère. Les trois sœurs. S’agitent. Chacune sa tâche. Éplucher les poivrons. Rouler des boulettes. Viande de bœuf. D’agneau. Verser l’huile d’olive. Surveiller les piments. Tourner la gamelle de gombos. Pièce encombrée. Pas de place pour les hommes. Deuxième étage. Gauche. Un dégagement. Entre la cuisine et la salle de bain. Aveugle. Avec une lampe. Sur un haut pied. Un petit fauteuil. Court sur pattes. Crapaud. Un livre ancien. Repose. Ouvert. La languette du marque-page. Zigzague. Sur le velours. Mordoré. Quatrième étage. Centre. Un coin du salon. Près de la porte. Table à langer. Installée pour massage. Correctif. Un kiné étire les membres d’un bébé. Pieds déformés. Huile. Serviette. L’enfant crie. Hurle. Ne peut pas se débattre. Les parents. Derrière. En sueur. Immobiles. Les bras tordus. Troisième étage. Extrême gauche. Bureau. Tréteaux. Planche. Mélaminée. Siège de tracteur. D’architecte. Une femme. La quarantaine. Face à la bibliothèque. Assise. Organise un plateau. Sur la table. Trie. Têtes. Feuilles. Graines. Rapproche le papier. Long. Le carton. Cylindre. Mélange. Herbe. Tabac. Commence à rouler un sixième joint.
Souffle court. Je détache les yeux de ton texte et ma vie reprend son rythme, avec plus de longues phrases et moins de mystères. Merci pour l’essoufflement.
Merci à toi, JLuc !
Je m’aperçois que, quand j’enlève la façade, les visions vont très vite… !!
Encore merci pour ta lecture.
Merci pour cet écho sur « mon » HLM !
Quel rythme votre texte ! Plaisir de lire et découvrir cette multitude d’images. Impression d’avoir monté un escalier infini pour arriver prés u moteur de d’ascenseur sur le toit.
Merci pour votre retour, Pascale.
C’est vrai que ça va vite.
J’ai écrit assez lentement, pourtant.
Merci pour ce rythme saccadé et court, qui permet de passer d’une pièce à l’autre et d’avoir à la lecture cette impression de scènes figées, de temps arrêté, comme si les personnages se savaient surpris par le lecteur !
Merci Line !
J’aime bien l’idée des personnages figés dans leur action et se sachant surpris par le lecteur.
Trop réussi ce h elle l’aime ! Du Fil très Filou ! Moi, j’adore
Merci, Catherine !
Et je t’assure que je n’en suis pas à mon sixième joint !!
Le rythme. Le surgissement en rafale ou saccade. Merci
Un grand merci, Nathalie !
J’ai aimé écrire ce texte, sans vraiment me rendre compte que ça allait aussi vite.
Superbe…. et la descente, vies colimaçons
et le souffle de la fin
Merci beaucoup pour ta lecture, Françoise !
Ton retour me touche vraiment.
Oh ! J’adore ces visions comme autant de clignements d’yeux, de mises au point comme sur un appareil photo ! Oui une impression de brièveté de ces visions alors que certaines actions semblent s’étirer depuis longtemps et continueront.
Merci mille fois, Sophie, pour ce message qui m’encourage à continuer dans la façon dont j’écris.
de ma lecture, suis sortie toute essoufflée… un kaléidoscoped ‘images encore imprégné sur ma rétine
Mille mercis pour ce message qui m’encourage.
Bravo pour ce texte! Super rythme. J’ai été emportée et j’aime vraiment ce mode « rafale ». On passe d’une image à l’autre. Sans transition, à peine le temps de reprendre son souffle. Merci!
Bonjour Céline
Un grand merci pour ce message !
Quelle Babel ! c’est fort d’arriver à un tel monde. Et dans chaque pièce, matière pour une nouvelle, un développement. Ça me rappelle un livre très aimé : la Fabrication de la guerre civile de Charles Robinson. https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/charles-robinson-met-le-feu-a-la-banlieue_1706899.html
Bonjour Emmanuelle
Merci mille fois pour ton retour.
Ça me fait plaisir venant de ta part, car j’aime bien ce petit texte sur cet HLM.
Je cours me renseigner sur le livre de Charles Robinson.
Merci pour le lien !
En lisant ton texte, je me demandais qui aurait pu être derrière cette description implacable: un espion au service d’un agence secrète, un policier faisant un rapport à ses supérieurs, un veilleur derrière sa caméra de surveillance, un écrivain prenant des notes pour son prochain livre ? Cette dernière hypothèse me permet d’espérer une suite à cette description magnifique.
Bonjour Helena et un grand merci pour ton retour !
C’est un ancien locataire qui est derrière ce petit texte…
Saisissement de scènes suspendues, de postures, d’espaces. L’œil grand ouvert et le son qui monte, suggéré. J’aime beaucoup.
Merci beaucoup Hélène !
Cette façon d’écrire ne me quittera plus qu’à de rares exceptions.
J’ai hâte de découvrir tes textes !
Merci encore !