Le long de ma prière, je nous vois descendant vers Harfleur, au premier cri du muezzin, le petit port de pêche est un départ d’Aubervilliers, sa suite de paquebots flottant sur le bitume, il nous faut fendre les avenues, tandis qu’elles font des vagues, s’éloignent droites et sans fin, si bien que nous à force de marcher, sans fin à force d’arpenter, le bateau tangue et nous menace, on avance pourtant, par petits groupes de cinq, de mairie en mairie jusqu’à Pantin la grande, sa pierre de rouge brûle la pluie en flaques verticales, arrose comme un sacre et validant des pieds les longues trajectoires, nous sommes les apôtres du vent et du soleil, berce et tangue la plaine de banlieue, il suffit d’élever notre chant pour que le ciel s’entrouvre et nous laisse presque exsangues sur un bord de trottoir, les bras chargés de bouteilles d’eau, de kilos d’oranges et de riz blanc, mais elle étend les bras la belle Noisy et nous rejoignons la plage, à tire d’ailes comme un souffle la plage, nous voilà sortis du socle de la pierre, des aigles par-dessus la pierre, prêts à s’extraire du sol pour s’élever dans l’air froid, planer au-dessus des avenues, de là-haut l’hôpital de Montreuil, conjoint au carrefour de Romainville, forme un pic, une digue, une cathédrale, une mosquée d’hiver arrondie comme la boule de verre qui fait tomber sa neige, nous errons là-haut, les bras croisés sur un songe, dessus le quadrillage fabriqué de boulevards, et pourtant, en voyant tout cela, ne s’élève que l’odeur d’un pain turc encore chaud, avec sa crème de concombre et sa viande mille fois saucée toute la nuit, c’est le travail des cuisiniers dans les petits appartements, les nuits tièdes à pétrir la chair tendre de condiments toutes sortes d’échalottes, d’huiles et d’herbes sèches. Rien n’est aussi doucement préparé de là-haut que la viande épicée des restaurants turcs.
Intéressant la vue des odeurs de tout là haut, elles seules s’élèvent.
Belle poésie urbaine