la première image qui t’est venue c’est celle d’un grain de sable collé dans ta paume petite un grain humide plat et brillant parmi au moins trente autres grains peut-être quarante brisures de roches au moins cent grains collés d’avoir creusé le sable à main nues — les hauts le cœur quand une puce de mer s’agite sous la pulpe des doigts — et des millions de grains soulevés pour creuser un refuge — ta maison tu disais — autour la grève le varech les méduses mourantes les fleuves minuscules le bruit des vagues le rire ascensionnel des mouettes. alors les dunes hachées d’herbes longues comme des ratures alors la digue le béton sa tubulure laquée de blanc tes jeux de funambules alors les villas la vie des autres à l’intérieur alors les falaises alors les nuages leur odeur sourde de pluie alors la plage presque vide — c’était morte saison — alors les bancs de sable des continents sous la mer une forêt sous le sable — personne pour s’en souvenir — alors les massifs métamorphiques la baie les archipels alors la route nationale que tu traverses yeux fermés pour voir alors la vallée la pulsation humide des arbres la terre grasse — un réconfort passager — l’ondulation des routes alors le ciel lointain son reflet sur la mer la distance qui sépare la marée de dix-huit heures ta maison rompue l’estran vierge alors le ciel trop lourd avec ses morts anciens alors le tremblement le jour fragile alors le silence des oiseaux les ombres voraces alors l’orage le monde immense et chaviré alors l’enfance soulevée ce qui s’en va la tentation d’effacement
Merveilleux texte. Ce paysage qui s’agrandit comme les souvenirs et la nostalgie. Merci !
elle me rattrape toujours cette foutue nostalgie, merci Helena
(cette histoire de traverser sans vouloir regarder, ça me dit quelque chose) (Edenville j’ai pensé – mais jamais, jamais on a vu la mer et en même temps, dans ces années-là, l’orage…) (enfin c’était ailleurs) (magnifique évocation) (merci)
oui Piero, tu as bien pensé, je m’y cramponne à cette plage, on était un peu dingues hein de traverser comme ça, merci
Bonjour Caroline,
la nostalgie mais aussi la magie, celle du mica dans le creux de la paume comme une écaille — qui reflète tout le reste,