« J’ai vu tant de choses que vous, humains ne pouvez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion. J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de Tannhäuser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli comme des larmes dans la pluie. Il est temps de mourir. » Roy Batty, le réplicant meurt après ces quelques mots, quelques notes de Vengelis closent cette scène de Blade Runner.
Printemps 1983, j’étais de garde au service informatique du ministère de l’air à Ballard. La nuit était là, j’ai fait une pose. Je me suis approché de la fenêtre, j’ai regardé devant moi et je l’ai vu. Enfin, elle, je ne l’ai pas vu. J’ai vu deux taches bleues se déplacer dans la nuit, elles étaient d’un bleu électrique assez clair. La nuit n’était pas noire, elle était bleu foncé, éclairée par la lune et par la ville. Je crois que Van Gogh a voulu saisir ce bleu de la nuit, il a presque réussi. Il m’a fallu quelques secondes pour donner un sens à ces deux taches de bleu céleste se déplaçant sur ce fond de bleu Klein. Cette femme noire, qui portait un sac poubelle dans la nuit, je l’ai devinée. J’ai vu le rythme de sa marche, j’ai saisi les dimensions de son corps dans l’espace. Elle était là, en bas, entre ces façades, dans cette pénombre bleutée. Je regrette que vous n’ayez pas vu cela, vous qui me lisez, c’était magique. J’écris ces quelques lignes pour sauver cette beauté. Je ne peux pas rendre à ce moment ce qu’il m’a offert. J’ai vu ce bleu. Paris, la nuit vue du ciel, est un entrelacs de fils d’or blanc sur une plaque d’acier noire, quelques petits diamants sont visibles. L’homme trace des traits de lumière. Éloignons-nous, survolons la planète au bord d’un satellite, partons dans le vide, la terre est bleue, les villes des petites taches dorées, le monde est apaisé, sur un calot d’Agathe bleu, un enfant peint des petits points jaunes.
Ouiiii ! Ce dialogue sous la pluie, noté dans les répliques à garder, merci du rappel et du bleu aussi !
Bonjour Laurent,
avec votre texte on vit le zoom arrière comme l’écriture du ravissement, merci !
Catherine S
« L’homme trace des traits de lumière » je le crois, je le vis, merci de le dire.
Ah grand souvenir, les derniers mots du répliquant dans Blade runner… Merci de nous emmener dans ce bleu profond
Fascinant, merci!