Station de métro Medborgardplatsen, dans une rue étroite. Je tourne tout de suite à droite puis à droite à nouveau et me trouve presque immédiatement face à la place du même nom: « La place du château », certainement nommée ainsi pour se souvenir qu’en un temps lointain, il devait y en avoir un, de château, sur cette vaste esplanade. Le quartier est sur les hauteurs de la ville. Le château avait fonction, probablement, de surveiller, depuis là haut, d’éventuels envahisseurs. Russes, par exemple. Je tourne le dos à l’hôtel dans lequel je vais passer la nuit, souvent le même lorsque je viens dans cette ville. Non pas par goût, encore que je l’aime bien mais plutôt parce ceux qui m’y envoient ont des accords avec la direction pour un nombre de chambres à l’année. J’aime ce quartier. L’espace extérieur y semble assez austère, ce qui est due principalement à une forte présence d’architecture expressionniste, laquelle, contrairement à son nom, est peu expressive, mais il abrite une vie culturelle intense, où le branché et l’underground se côtoient, d’un pub à l’autre, d’un entresol à l’autre. C’est ici aussi que se trouvent les magasins de guitares vintages et d’occasion de la ville. Je ne manque jamais de les visiter, d’y grattouiller un peu. Face à moi, de l’autre côté de la rue, s’élève la bibliothèque, massif bâtiment de brique ocre dont la façade délimite la place. Il fait nuit la plupart du temps lorsque j’arrive ici, non pas que je voyage tard mais je viens plutôt l’hiver, quand la nuit tombe à seize heure. L’endroit est alors couvert de neige, très animé, plein des lumières électriques des terrasses extérieures chauffées, ouvertes jusque tard d’où s’écoule le vacarme joyeux des conversations et de la musique. Juste après la place, à l’est, la rue se resserre, les bâtiments modernes cèdent la place à de petits immeuble au style plus ancien, XVIII -XIXem siècle et la rue entame sa descente, piétonne, jusqu’au niveau de la mer.
Station de métro Kungstradgarden. Sous mes pieds, de larges plaques, comme de marbre, ocre, coupées de bandes vertes et blanches, s’entrecoupant, partant dans toutes les directions. Au dessus de ma tête, la roche. De la roche brute, non polie, pleine de bosses et d’aspérités. On pourrait presque y voir des peintures pariétales, si elle n’était peinte en vert pomme. A la place des aurochs et des rennes, deux damiers noirs et blancs, distordues, comme perçus sous acide. Le même damier, au sol, comme en miroir, s’allonge en une courte perspective juste sous une voûte de carreaux blancs et noirs, eux aussi. Le damier guide mon regard vers le puits de lumière et la sortie en face de moi, à l’horizon. Étrange mise en scène, comme une bonbonnière, un décor de conte de sucre d’orge. On ne serait pas surpris dehors, d’arriver devant l’usine de Willie Wonka. En fait, c’est mieux encore. Mais seulement entre la mi avril et la mi mai. ça tombe bien, nous y sommes. Une période qu’on nomme Mankai au japon. C’est un spectacle incroyable. Je découvre, passé la dernière marche de l’escalator, une voûte, comme un ciel, rose, parcourue de longues veines noires de laque : Agencés de part et d’autre d’un long plan d’eau rectangulaire, soixante trois cerisiers du japon s’alignent dans une floraison extraordinaire.
Station de métro T-Centralen. T pour train, et, comme la suite de son nom l’indique, en plein cœur de la ville, au centre d’un vaste complexe de canaux, de voies rapides et de ponts qui la maillent, relient les unes aux autres ses quatorze îles. On sort de Centralen par un escalator sur une large porte métallique, en face de l’ancienne gare ferroviaire, sur une esplanade jouxté par l’une de ces voies de communication, sous un pont. Le trafic et le bruit sont intenses, au dessus et au dessous. Tout autour, des immeubles moderne, des bureaux essentiellement. Entreprises diverses, banques beaucoup, plusieurs parkings, une multitude de panneaux de circulation. Par delà les rambardes de sécurité au dessus du pont, on aperçoit un campanile. C’est celui de l’hôtel de ville, loin, comme en un autre siècle. Les gens ici me semblent pressés, affairés, tendus, ternes, fatigués. Mais je n’aime pas ce lieu alors, peut être que j’exagère un peu. Ici, on ne s’arrête pas dans un magasin de vieille guitares, on ne flâne pas sous une allée de cerisiers en fleur. On achète des sandwichs qu’on mange tout en marchant. On va au travail. On en revient. Asphalte, ponts, trottoirs tout est gris dans ce coin de ville d’où partent toutes les directions. Sauf la gare elle même. Un joli bâtiment, tout blanc, comme sortie d’une aquarelle de Carl Larsson. Les immeubles de fer, de brique, de ciment et de verre qui lui font face, ont un air puritain, rigide, réprobateur, comme lui reprochant sa fantaisie, son romantisme. A l’intérieur de l’ancienne gare, on trouve des restaurants,des sandwicheries, des distributeurs bancaires, des publicités, des boutiques de vêtements, de valises. Ses escaliers mènent aux quais qui vous emportent vers l’aéroport.
c’est tellement fluide, tellement agréable à lire. Merci pour le voyage