#40 #17| Trois femmes Samis.

2020
Le quad a remonté la longue pente en rebondissant sur les buttes de neige durcies. En haut, ils attendent, gelés, les bras serrés contre le corps, emmitouflés dans leurs doudounes. Elle stoppe le moteur et saute de l’engin, incroyablement alerte pour son âge, les joues rougies, ses rides pleines de givre, ses longs cheveux blonds en bataille couverts de neige et un rire immense qui lui prend tout le visage. Rassurez vous, il ne fait que – 15 aujourd’hui plaisante t-elle, on pourrait presque déjeuner dehors. Ce disant, elle porte une grande bassine de soupe qu’elle pose à l’intérieur de la kotta, là ou se trouve le feu. Elle est radieuse, solaire dans le costume bleu et rouge traditionnel. Asseyez vous en cercle autour du foyer lance t-elle et détendez vous, je vais vous raconter qui nous sommes. Mon nom est Laila et je suis la propriétaire du troupeau de rennes que vous avez vu dehors.


1989
Seule au milieu de la scène du nouveau parlement qu’on inaugure, elle vient tout juste d’avoir trente ans et se tient là, debout et digne dans le silence. Son visage est rond et juvénile, ses yeux sont rivés à leur cible. Son expression est grave. Elle porte devant le ventre, son large tambour qu’elle tient de la main gauche. Dans la droite, elle sert le maillet qui va battre la mesure, enfoncer les coups dans la tête des auditeurs. Ses grands parents, son père et sa mère se sont tus, la langue a presque disparue mais elle, elle se tient là, avec ses frères et sœurs de combat. L’humiliation n’est plus de leur côté. Un coup résonne sur la peau du tambour, puis un autre et le rythme s’installe dans l’auditorium bondé. Les mots s’écoulent, Mari Boine chante haut et fort et le roi et à la reine de Norvège, assis au premier rang, écoutent toute le mal qu’ils ont fait aux samis.


1830
Mikel est encore une fois rentré bourré. Elle a du lui enlever ses bottes, ses fringues, se retenir d’un haut le cœur devant les traces de vomi sur sa chemise. Il est plein de terre et de neige, il a rampé pour revenir jusqu’à la maison. Elle l’a un peu lavé, l’a jeté sur le lit et puis elle est partie. Elle a marché dans la nuit jusqu’à l’église, emplie de rage. Elle a trouvé le pasteur enlevant sa pelisse, retour de son dîner du vendredi avec le bourgmestre et le propriétaire de l’auberge. Elle s’est planté devant lui, lui a jeté au visage la chemise de Mikel et a dit : A vous trois, vous réussirez peut être à tuer nos hommes mais vous n’aurez jamais nos âmes et nous sauverons nos enfants. Si votre dieu était une femme il aurait honte de vous.

A propos de Laurent Peyronnet

Depuis une vingtaine d’années, je partage mon temps entre le nord de la Scandinavie et la région lyonnaise où je réside. Je passe environ cinq mois sur douze sur les routes de Laponie ou j’exerce le métier de guide touristique et le reste du temps, j’essaye d’écrire. J’ai publié trois romans jeunesse, quelques nouvelles et contes. Je fais aussi un peu de musique et de dessin. Je n’ai pas de site internet mais vous trouverez l’actualité de mes romans jeunesse sur la page Facebook : "Magnus saga" J'anime également de façon intermittente la chaine Youtube « Quelque chose à vous lire » ; vous y trouverez actuellement une soixantaine de lectures vidéos dont : Raymond Carver ; Bob Dylan ; Joyce Carol Oates ; Selma Lagerlöf... et plus modestement, quelques uns de mes textes.

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