Rue de Belleville, la mairie a engagé des gros travaux pour installer la fibre optique et la 5G. De larges parcelles de trottoir sont éventrées. Hier midi, alors que les ouvriers devaient être chez les frères Tang ou chez Wenzhou en train de déjeuner, je m’arrête hébétée et rêveuse près du large trou aux dimensions d’une piscine de jardin. Je suis saisie par la multitude de câbles aux couleurs différentes, alignés et rassemblés tous les 80cm par des colliers noirs. Impressionnée et admirative par cette installation urbaine, je descends précautionneusement dans le trou pour y voir de plus près. Je caresse délicatement cette amoncellement de câbles, c’est un peu chaud, m’y tenant comme à une rampe je marche jusqu’à l’extrémité de cet immense bijou et je bute sur quelque chose. Je me penche pour identifier l’obstacle et je découvre la poignée d’une large plaque en bois sous mes pieds. Je l’empoigne fermement et à ma grande surprise je soulève facilement cette porte vers l’en-deçà. Quelques marches et un air frais m’invitent à descendre pour y voir de plus prés. L’escalier a plus de marches que je ne l’ai d’abord cru, les murs sont très rapprochés, il fait sombre et aucun bruit ne me parvient. Néanmoins je me sens en sécurité, tranquille, confiante et impatiente de voir où je vais arriver. A main droite un appel d’air me fait frisonner, une odeur peu ragoutante mais familière me taquine (mélange de pisse et d’échappements), après avoir bifurquée sur la droite, j’entre dans un parking. Devant moi sur le mur est indiquée -6, quelques tubes néon diffusent une lumière blafarde, sols, plafonds, murs, tout est gris. Par terre des lignes blanches délimitent des places vides, il fait froid, aucun son, pas âme qui vive. Je repense à ce fait divers lu hier dans le Parisien, mon cœur et ma pensée s’emballent, je ne suis plus du tout à l’aise, un frisson de peur me parcourt, je n’ai plus envie d’y voir de plus près. A mi-hauteur d’un mur, j’aperçois une grille d’aération à laquelle il manque plusieurs lattes, j’arrache les trois dernières et je m’y glisse, préférant me retrouver dans un boyau étroit plutôt que seule au milieu de ce sixième sous-sol désert. Maintenant je suis en position horizontale, j’avance en rampant, j’entends des couinements aigus, des grattements et même des bourdonnements. Pour y voir de plus prés, je m’éclaire à l’aide de mon portable coincé dans mon foulard Hermès que j’ai noué autour de mon front. La température est de plus en plus basse et la déclivité du terrain s’accentue, je me laisse glisser, comme couler, sensation agréable! Je me souviens qu’enfant j’aimais, sur le ventre, dévaler le toboggan, tête la première. Et soudain j’atterris dans un bassin d’eau, bonheur intense! Évidement l’eau de cette nappe souterraine est très froide mais quel plaisir de me retrouver dans cet élément familier et que j’aime. Je me laisse porter, je me relaxe, je nage, je ris, je chante, j’hurle ma joie d’être là, loin sous la terre, au centre du monde et tellement vivante!
Très belle chute au bout de ce texte plein de surprises !
merci Laure pour ta lecture
j’ai aimé me laisser divaguer