Le long d’une route, gravier fumant des étés caniculaires, des planches assemblées -proprement-. L’ombre pourrait être hospitalière mais si on s’assoit, on prend le risque de n’avoir rien à regarder. La route se sépare en patte d’oie, voie de droite, voie de gauche, dans un village tellement minuscule qu’on devine leur réunion à la fin des maisons presque toutes abandonnées. Les quatre planches sont ouvertes sur le champ. Il n’y a pas de vache, pas de blé, pas de tournesol. Il y a de l’herbe sèche et crevée. Quelques coquelicots téméraires, gouttes de sang accrochées aux barbelés rouillés. Un vieux fantôme traverse d’une maison à une autre et se fait avaler par la lumière mirage de midi, deux cannes, lenteur des bestiaux qui subissent, un pas, un autre, il est peut-être immortel. Un panneau rouillé annonce la fête à la brioche du 3 août. Le nombre a été peint sur une couche de peinture marron qui se confond avec la rouille, l’an dernier c’était le 4 il paraît. Les quatre planches de bois vieilles et neuves sont aveugles aux événement, détournées du village, mais pas non plus dirigées vers l’horizon de la route. Ces quatre planches ne rencontrent personne, elles n’ont pas été usées par les attentes, elles n’ont pas été taguées par des jeunes amoureux ou en colère, elles n’ont pas été dégradées, ne sont pas entretenues. Le vent pousse les gravillons à leur pieds de temps en temps.
Elles sont la promesse d’un bus qui ne passe jamais, l’espoir d’un départ qui n’aura pas lieu, l’attente d’un envol que plus personne n’espère. Seule l’érosion les fera tomber, dans très longtemps.
Très poétique ! J’aime beaucoup !
merci!