Elle va à sa rencontre. Aujourd’hui, c ‘est l’échec. Le premier. Elle ne sait pas bien comment le prendre. Quoi lui dire ? C’est l’enjeu de toute sa vie. Elle le sait . Comment une minute peut tout changer dans la vie de son homme. Il est grand, il est beau , c ‘est son fils. Il a seulement 19 ans . Elle lui a portant dit , qu’elle a confiance, qu’il va leur montrer, à tous, de quoi il est capable. Mais non. Ça n ‘a servi à rien.
Rien , il ne dit rien. Alors, elle lui dit regarde-moi au moins…. Il la regarde , une seule fois, elle cherche en vain dans ses yeux profonds , sa carte-monde. il n ‘y a que des destinations sans nom. des déserts et des coups de vent, des mers déchainées, des voiles et des espoirs brisés. Pourquoi lit-elle en lui tant de désespoir. Qu ‘a-t-elle fait de lui ? Elle veut revoir dans ses yeux animés d’ étincelles comme avant , les rires de ses petites victoires d’ enfance. Les joies de dévorer les goûters qu’il engouffrait goulument avec les grosses marques de chocolat aux coins des lèvres qu’elle essuyait avec des mouchoirs en tissus tout doux tout frais qui sentaient encore bon la lavande. Lui reste-t-il de ces souvenirs-là…
Elle cherche, impuissante. Elle n’était pas là, à lui souffler mots. Il y est aller seul. Elle sent bien qu’il est déçu, déçu de lui. Ses yeux bruns sont gonflés à force de retenir tant larmes chaudes et salés . Elle a le cœur déchiré. – Mais de quoi ? il ne peut pas la regarder en face. Son visage est déformé de tant de peine. Ses lèvres inondées ferment une bouche tremblante de remords. Il laisse pourtant échapper toujours les même mots , je…suis.. dé-so-lé… C’est un homme qui pleure . Elle veut le prendre dans ses bras. Mais non. elle aurait l ‘air de quoi. Une mère n’est pas une consolation. Elle ne peut plus. Il pleure. Il se tient là. Elle se tient là , près de lui. Ils marchent maintenant côte à côte. Elle ne peut pas l’approcher de trop près ni lui tenir la main, c’est un homme maintenant. Il dit juste , je suis désolé les yeux baissés, en balançant sa tête de droite à gauche. Elle voudrait arrêter le temps, revenir en arrière . Elle lui dit que ce n’est rien qu’ Il y a des choses plus graves dans la vie. La maladie , même la mort, la perte d’un être cher…Elle ne peut rien faire , elle voudrait tellement changer le cours des choses. Il lui dit qu’il est désolé. encore et encore . Mais de quoi ! bon sang ! il ne dit rien… elle ne veut pas pleurer, mais son coeur saigne au fond, se serre, elle ne sait plus , elle a tellement mal. Quoi faire ? Elle a toujours trouvé des solutions à tout…, le protéger , le défendre…le défendre… . Il est seul face à lui-même et à la multitude , à l’anonymat.
Ils marchent , tous deux, lentement pour laisser venir les mots . Il ne dit rien. . Elle essaierait de le guider , encore, de lui frayer un chemin, de lui proposer une voie de sortie. Mais il marche droit sans regarder où il va. Sa marche machinale ne le mène nulle part. Alors, elle cale ses pas sur les siens en silence , elle suit maintenant, elle en a trop fait peut-être . Ils s’arrêtent au feu, ensemble. Puis, Ils traversent la route, et passent de l’ autre côté. C ‘est ça, le faire passer de l ‘autre côté , et l ‘aider à repartir , à oublier les pourquoi et les comment. Ils ne se parlent plus, ils se dirigent machinalement vers la maison. Il avance et dit non de la tête, et ferme ses yeux mouillés, il n ‘accepte pas de ce retour sur image d’un face à face, de petits déjeuners où la charge est trop lourde. Le poids de tous ses espoirs à elle, de ses sourires interrogateurs, pleins de projets, de ces « comment ça va ce matin ». de ces « Et alors? »: Il n’en peut plus . Il ne peut plus dire, ou prononcer le moindre mot. Il pleure… ce grand homme. La tête entre les mains , il suffoque, ne peut presque plus respirer, il ne veut pas la regarder . Il a honte. Elle lui dit juste de relever la tête , de la regarder…voilà… doucement… relever la tête. du bas vers le haut , c’est tout. Elle reste là debout, les bras croisés devant lui . Elle est juste là, patiente et douce comme à son habitude attendant , qu’un espoir renaisse…
C’est un texte très touchant. J’ai eu plaisir à le lire. Merci
Un texte qui remue, qui nous attrape et nous entortille en voulant se jouer du temps. Merci Carole.
On marche à côté de vous. En silence. Merci.
Merci Betty , ce n est pas autobio mais ça aurait pu l ‘être . ..
.