ELLE
– Une bouche comme une arche au dessus du menton qui inspire on ne sait pas vraiment quoi, lassitude, dégoût, dédain, haine ? Elle ne regarde pas en face. Ecoute-t-elle celui qui parle ?
– En son for intérieur : une cabane en forêt, le bruit croissant d’un cor de chasse.
– Dernier passage du bateau bus. Un homme emmitouflé descend en courant, il souffle comme un boeuf dans la froideur du soir. Les mains se figent dans les gants. Elle a froid elle aussi.
– Le temps passe, les saisons. Pas vu passer l’été. Mon cache-nez troué, rapiécé. J’ai froid. Pourvu qu’il ne m’arrive rien.
LUI
– La démarche d’un oiseau dont une aile est coupée. Une cicatrice discrète qui trace un sillon en travers de la joue.
– En son for intérieur : les parois d’une montagne abrupte et le sang sur des mains qui s’accrochent au rocher.
– Le comptoir, le zinc à 11 heures. Les gars sont au petit blanc depuis longtemps déjà. Un homme déplie son journal. D’autres parlent mais ne s »écoutent pas. Il est seul devant son calva. Il regarde la mouche qui se pose sur sa main.
– Cette bestiole dans un bar, elle se fout du présent. Si je pouvais voler aussi vite qu’elle, aussi loin, ailleurs.
L’AUTRE
– Un rictus implorant et la pudeur au fond des yeux.
– En son for intérieur : l’arc en ciel et le temps des sauts à la corde et des vacheries dans les cours d’école.
– Juste une lettre à poster. La queue au guichet. La file d’attente. Il laisse passer une vieille dame.
– J’aime cette odeur du monde et la dame, son cabas comme on n’en fait plus, ses yeux qui pleurent un peu de froid et de chagrin ? Pourquoi elle m’émeut elle, et pas lui, devant qui gesticule de tout son long ?
Une belle émotion pour chaque personnage
Merci beaucoup François,
Ces personnages, je les ai vus prendre corps au fur et à mesure de l’écriture. Impression très étrange et tellement réjouissante !
j’aimerais rencontrer l’autre
Ah mais c’est une belle invitation à poursuivre…
Merci !