Mercredi 27 septembre 1967
Déjà trois cours d’italien et dire que je ne pourrai jamais parler avec Pépé, il aurait pu m’aider pour l’accent, et puis on aurait eu quelque chose à partager. Trois morts dans la famille en peu de temps. Pourquoi? Et puis cette fille qui redouble sa quatrième, elle a l’air bizarre mais elle me plait bien, elle déchire des petits bouts de papier de ses cahiers et elle les mange! Peut-être bien une copine…un jour. Lu Antigone d’Anouilh hier soir, j’ai souligné cette phrase: J’ai cru au jour la première aujourd’hui. Si un jour je fais du théâtre, je voudrais être Antigone.
Samedi 27 septembre 1969
J’ai enfin ma chambre! Avec une porte et la vue plongeante sur la ville. Ai rangé tous mes livres sur l’étagère du cosy, ça fait super bien; je crois que je vais passer la journée ici sans sortir tellement je suis contente. L’appartement est grand avec plein de portes, la tapisserie est super jolie avec ses petites fleurs. Ma chambre à moi et le passage en seconde il me semble que je viens de vieillir d’un coup, que je vois les choses différemment…Il faut que je m’habitue à regarder du haut d’un cinquième étage mais à part ça, tout est bien.
Lundi 27 septembre 1971
Ce matin, la prof de philo nous a indiqué les trois livres que l’on étudierait plus à fond dans son cours. Je suis allée regarder à la bibliothèque à quoi ils ressemblaient: Spinoza “Traité de la réforme de l’entendement”, “Le manifeste du parti communiste” de Marx et “Le nouvel esprit scientifique” de Gaston Bachelard. C’est pas triste! Je sais pas trop si je vais arriver à suivre, il y a des filles qui sont plus vieilles et plus intelligentes que moi. Mais la prof est super, bien mieux que l’autre du lycée ( vieille et triste), elle souhaite que les élèves la tutoient et l’appellent par son prénom!!! Après les premiers cours, j’ai l’impression d’être entrée dans un nouveau monde. Il me semble que le reste n’a plus d’importance. Demain elle nous donne notre premier sujet de dissertation ( hâte et peur en même temps), je sais me débrouiller en français mais en philo?
Mercredi 27 septembre 1972
Rien écrit ici depuis la rentrée. Je rentre épuisée du stage de formation , me sens pas à ma place. Je suis la plus jeune, il y en a qui ont dix ans de plus que moi! La journée au fond de la classe de madame Vincent m’a fait peur. Comment est-ce que je pourrai tout gérer quand je serai seule face à une classe. Je repense à l’année dernière où j’étais élève et voilà que je suis de l’autre côté du bureau. Et les échanges dans la cour de récréation entre les maitres m’emmerdent profondément: ils ne parlent que de leurs gamins, des courses à faire, de ce qu’ils vont manger le soir. Moi je voudrais parler de cinéma, de livres, de questions philosophiques… Plus le temps de voir les copines, sais pas si vais tenir le coup
Lundi 27 septembre 1982
Première année depuis mes deux ans que je ne fais pas la rentrée scolaire! Drôle d’impression, cela m’a presque manqué. Et suis bien occupée avec ce petit bout qui n’a pas l’air de comprendre que pendant la nuit on dort et qui pleure trois ou quatre fois, donc je me lève, berce, donne la tétée, lui parle et n’ai qu’une hâte c’est qu’il se rendorme…A part les nuits, il est super bien sûr! Il a dix jours déjà et je n’en reviens pas! Il me faut juste arriver à trouver le temps de lire un peu sinon je vais pas tenir le coup. Allez ça y est il appelle…
Lundi 27 septembre 1999
J’écoute Ben Harper, un peu de tristesse s’empare de moi. Le temps aussi est gris et je ne sais pourquoi j’aurais envie de pleurer. Une sorte d’angoisse s’installe sans raison. N’ai envie d’aucun livre. Un sentiment de solitude intense m’envahit. La mort rôde de temps à autre.
Dimanche 27 septembre 2009
Ce serait comme une autre vie qui commencerait enfin…sans horaires imposés, sans obligations, peuplée de mes propres désirs. Retraitée, cela sonne comme une mise à l’écart, mais je vois plutôt un nouveau départ, une troisième ou quatrième étape à ne pas se laisser voler . Trouver le rythme qui me convient. Lire écrire. c’est pas compliqué!
Jeudi 27 septembre 2012
Tapie dans l’écriture sous un cône de lumière, je guette la venue des mots qui ne coulent pas de source. A l’extérieur des squelettes de pluie hantent l’espace entre les épaules des arbres. Dans la grisaille de ce petit matin, je lis voir évoluer sa météo intime lorsque, sans prémices, la percée d’un soleil inattendu éblouit les lignes qui semblent louvoyer sur la page. Le sucre du soleil glisse au pied des ombres. Je baignerai mes doigts dans cette césure du jour.
Mercredi 27 septembre 2017
Seules les traces font rêver: c’est par ces craquelures que l’œil est aimanté et oublie les entours. Les blanches blessures au liseré bleu grattées comme les écorces de platanes quand des cartes imaginaires faisaient leur apparition, des écorchures d’un temps qui n’a plus court, des sédiments d’une époque disparue, les écailles d’une enfance en sourdine mais qui n’en finit pas de surgir des décombres, par surprise, et de tarauder nos jours. Murmure d’un mur sous la chimie de la décomposition, méli-mélo d’images noyées en un tas de gravats, souvenirs reconstruits, légendes d’un passé. Une trace, là, comme un nouveau territoire.
beau voyage en vie … merci !
Une douce mélancolie dans ces 27 septembre passés, de l’espoir aussi. La vie.
Merci.
J’aime beaucoup ces quelques bribes de vie qui laissent deviner le temps qui passe et l’écriture qui évolue avec. Ce qui me trouble le plus à la lecture de tous nos 27 septembre, c’est qu’on n’est jamais certain de savoir s’il s’agit de traces anciennes, d’extraits des journaux ou de carnets réels ou de la reconstruction faite aujourd’hui d’une époque révolue.