27 septembre 1989
Un dimanche d’automne. Peu de choses prévues. Petit déjeuner, confiture maison, petit écran , un peu mais pas trop longtemps, ranger sa chambre et laisser le temps défiler en scrutant les barreaux en fer , noir et or, ceux du lit. Comparer les formes à celles du plafond en lambris, les visages que l’on devine, ceux qui viennent rompre l’uniformité des planches et qui discutent avec ceux du lit. S’imaginer une histoire de méchants avec ces têtes qui sortent du plafond. Puis aller jouer dehors, l’intériorité ça a ses limites, il faut bouger, penser qu’on a un corps aussi. Sonner chez les voisins, même le dimanche, pas grave. Faire hurler la mère des voisins, chose facile, deux ou trois bêtises et op ! , vous l’entendiez hurler jusqu’au village, situé à 3kilomètres. On le savait, une fois, on s’était fait la malle, en vélo -Marie et les garçons, pas le groupe de rock, le groupe du quartier- et la mère Badoil, on l’avait entendue hurler. Trois kilomètres, pour de vrai, juré, craché. Jouer dans le poulailler, sonner à toutes les portes, partir en riant. Vie simple de gamins à la campagne, un dimanche 27 septembre où il n’y avait pas grand-chose à faire, dans un hameau à la campagne, à trois kilomètres du village, un 27 septembre de l’ année 89.
27 septembre 1998
C’était l’anniversaire de Roland, le gros de la bande. A part la bière 33, on ne savait pas trop ce qui pouvait lui faire plaisir. Alors ce 27 septembre devait rester plutôt ordinaire, acheter de la bière, de la bière 33, la moins chère, la seule disponible à l’épicerie du coin, mais en acheter un peu plus, et se demander quand serait le prochain bal, la prochaine virée, toutes les mob de sortie, filles sur les porte bagages, avant l’hiver. C’était l’anniversaire de Roland, mais on ne savait pas lui donner d’âge exact, il parlait peu, il buvait trop. Mais pour son anniversaire, on allait rester un peu plus longtemps sous l’abribus, il fallait quand même marquer le coup, la belle excuse pour rentrer tard. …C’est pas ma faute, c’est l’anniversaire de Roland. Tu sens la bière. File dans ta chambre. Repos. Demain, c’est le 28, il y a école. Roland, il allait plus à l’école, il allait à l’usine, à l’usine de saucissons. C’était dur.
27 septembre 2002
Fin d’une semaine vécue selon un rythme nouveau, depuis 27 jours. Nouveau rythme, nouvelle vie, partie pour étudier, mais le reste n’avait pas changé, insupportable permanence sous le changement. Ce 27 septembre, il avait fallu changer tout cela, rompre avec le passé, avant octobre, elle se l’était dit maintes fois. Cette vie là, elle n’en voulait pas, elle n’en voudrait jamais. Le 27 septembre sonnait comme une date que l’on ne pouvait plus dépasser. Ce serait ce jour-là, en fin de journée, ces fins de journées d’automne où la nuit arrive de plus en plus tôt, elle l’avait décidé. Ce 27 septembre avait l’odeur de la liberté et des larmes, depuis le matin. Matinée passée à lire et à travailler, agréable solitude avant la tempête, refuge. Ce 27 septembre 2002, il avait fallu sortir de ce refuge, oser dire non à une vie que l’on n’avait pas choisie. C’est vu et revu, mais quand on est dans ce creux, il faut bien en sortir, en essayant d’éviter le pathos, les bons sentiments et les regrets. Voilà, elle avait pris sa voiture, elle conduisait depuis peu officiellement ; Officieusement il avait fallu conduire souvent, comme pour le reste, s’occuper de tout à un âge où l’on veut s’occuper de rien. Trouver un toit, un repas, un emploi. Maintenant il avait tout. Elle pouvait partir. Le 27 septembre. Je te quitte. Je ne m’occupe plus de rien.
27 septembre 2010
Douleur de la voûte plantaire, ce 27 septembre, cabinet de dermatologie au fond de l’esplanade « Grand siècle ». Loin de Bénichou, même si on est à Versailles. Cela fait chic tout de même, ce cadre, pour se faire brûler des verrues. Comme si le ventre lourd ne suffisait pas : dommages collatéraux, immunité modifiée, porte ouverte à la douleur plantaire. Pas seulement une, mais plusieurs. Le rendez-vous est à 11H30, il fait mal, et il faut retourner au turbin juste après, rester plantée là, ventre lourd, pieds brûlés, chaussures insupportables-elles sont un peu ouvertes, mais sur le dessus seulement, en septembre les chaussures sont toujours un peu ouvertes, on a laissé les nu pieds, les bottes sont encore rangées. Mais elles sont intenables, importables, inacceptables quand même, comme la douleur. Il commence à peser, le ventre. A cela s’ajoutent d’autres désagréments. 27 septembre 2010, à 11h30, et tout le reste de la journée, serrée dans ses chaussures et dans son ventre.
Belle évocation sans pathos des séparations nécessaires pour exister et … oserais-je, se tenir debout sans caillou ou verrue dans la chaussure 😉 merci Marie Caroline Delannoy
Oh merci Dénéb Kypros! oui c’est cela..les petits chaos et les petits cailloux de l’existence….Je rage de n’avoir pas eu le temps de lire les propositions des autres…le temps..autre problème…A bientôt autour des textes!
Un gros caillou, ça, le temps 🙂