Croquer les gens à la dérobée. Voler l’image. Voler par-dessus leur visage offert à tout vent. Scruter l’ombre qui fera leur histoire. Frissonner d’un regard qui s’attarde. Furtivement faire connaissance. Emporter avec soi le cliché pour en faire les compagnons d’une existence solitaire. Tenter de renaître en eux. Vertige de l’identité défaite et recomposée. Sortir de soi. Ingérer le monde. Personnes qui passent et repassent et deviennent personnages. Ou ne deviennent pas et à tout jamais restent énigme essentielle du vivant.
Où se regard. Sur quoi fixé ? Happé au passage dans une rue de Naples. Figure surgissante, soudain se détachant sur la rumeur : vapeur des scooters pétaradant, clameur de marché, interpellation joyeuses ou menaçantes, chuintement de freins, vacarme de bavardages sans but et sans commencement, mots épars qui viennent bercer l’oreille, certains déchiffrés d’autres gardant leur mystère de dialecte.
Et lui le silencieux qui passe et repasse dans son blouson de prolo. Il observe, surveille peut-être, pose un œil suspicieux sur la foule autour de lui, contrôlant si tout se passe comme il faut, c’est-à-dire comme le patron le demande. Pas de petits voleurs, tout juste bons à attirer l’attention de la police et à mettre en péril les affaires. Faire un signe de connivence aux commerçants qu’on protège.
Il n’a pas remarqué le spectateur qui a profité d’une lumière propice pour voler son regard.