Celle qui s’essuyait les commissures de lèvres avec ce petit mouchoir brodé, celle qui logeait son petit mouchoir brodé dans la manche de son paletot, celle qui se brulait les yeux à broder des pensées jaunes et bleues, celle qui s’appliquait à ourler des carrés de percale et de toile de coton, celle qui, le soir du bal, a rangé son petit mouchoir dentelle dans sa pochette brodée, celle qui a été tant émue devant son trousseau brodé de mariée, celles qui ont festonné tant et tant d’initiales entrelacées sur les draps durs des futurs époux, celle qui, en 1918, a tant versé de larmes dans son petit carré de batiste, celle qui repassait les draps de lin humidifiés pattemouille avec un fer en fonte brûlant, celle qui décousait les ourlets des pantalons de l’homme pour y ôter les peluches, celle qui confectionnait les linges de madame la marquise, celles qui faisaient du neuf avec du vieux, celle qui sortait la nappe damassée pour les repas du dimanche, celles qui ont orné tant de berceaux d’osier, celles qui étreignaient la toile comme on embrasse un enfant, celles qui n’ont jamais connu les mouchoirs en papier.