Le hasard, Espagne du Sud, un port en construction jamais terminé, une plage abandonnée, un bâtiment qui déborde de plantes grasses, des restes d’auvents et là, arrivé on ne sait comment, il y avait un dictionnaire avec des restes de mots, des pages en partie déchiquetées, des mots dilués, des mots fantômes, en vrac des mots qui s’échappaient. Avec le temps, le sel et les embruns, le dictionnaire s’était solidifié, il était devenu un bloc, un bloc de mots, comme fossilisé, je l’ai emporté, il trône là sur l’étagère. Pris l’habitude, chaque fois que la plage semblait déserte, d’y laisser un livre, comme ça, en plein soleil, un livre libre, lui donner un autre destin, un nouveau décor, des proximités insolites, un arrosoir en plastique, une serviette de bain, une paire de tongs, un volant de badminton, laisser au livre le temps de s’habituer, de perdre le fil des phrases dans la ligne des vagues. J’ai noté tous les titres ainsi déposés, une seconde vie, comme on dit une seconde main, Colette, Camus, Elroy, Morison, Sagan, des poètes aussi…
Envoyé de mon iPad