Une seule photo de toi, je n’ai qu’une seule photo de toi qui atteste de ton existence. Drôle de photo, photo en couleurs, nous sommes chez nos grands parents, l’escalier en arrière plan en atteste, nous sommes posées sur une branche, branche d’un arbuste, un petit arbre, dont on ne distingue que les branches basses, quelques fleurs, la scène a été sans doute imaginée en amont par le photographe, était-ce Jean ?
Trois fillettes, regardant l’objectif, nous sommes trois, trois cousines séparées par une année, sourires timides, regards tounés vers l’objectif, obéissantes, attentives aux consignes données par celui qui tient l’appareil comme conscientes malgré notre jeune âge de l’importance de ce moment unique qui ne se reproduira plus
Toi tu es la plus grande, tu as 5 ans, tu es aussi la plus joufflue, tu es déjà malade, mes deux mains sont posées sur tes épaules, je découvre ce geste qui me bouleverse, pour la première fois alors que tu es morte il y a plus de 60 ans, je ne pouvais pas avoir conscience de ta maladie, j’avais trois ans, nos mères sont soeurs, chacune marraine de l’autre…
Peu de souvenirs, le récit de ta maladie plus tard, de ton enterrement où je n’étais pas…récits traversés par la douleur et la culpabilité, le souvenir d’une poupée qui portait ton prénom, la tienne qui portait le mien, cadeau de nos mères à Noël, tu es celle dont on parle peu, chacun a un bout de l’histoire, il me reste cette phrase d’Annie Ernaux qui raisonne en moi « L’étendue de ma vie, gagnée à l’infini sur la tienne, me submerge ».
… » l’importance de ce moment unique »…merci pour ces mots bouleversants. comment capter l’unicité de chaque instant… comment être toujours là dans l’instant présent… Merci pour cet appel à saisir toutes ces » importances » qui nous échappent.
Merci Caroline pour ce témoignage et ce texte bouleversant, pour cette recherche, pour la dalicatesse de ce geste d’enfant les mains posées sur les épaules de l’autre.
Délicatesse. Pardon.