Le lieu-dit, gonflé de gens de partout, est au milieu du village, c’est la salle de bal qui fait face à la ferme. Toute la nuit jusqu’à cinq heures, au moins trois nuits par semaine, l’orchestre bat son plein, musique rock, voix déformée du chanteur, rires à gorges déployées, les jupes des filles, la batterie poisseuse frappée en sourd-dingue, les champs tremblent au bord de la route envahie de jeunes, leurs diableries, leurs volants, leurs cris, leurs bagarres. L’alcool ravageur. Les accidents de voiture dans le journal du matin.
Tapie dans mon lit d’enfant, j’écoute et j’attends. Je ne bouge pas. Je suis droite et immobile dans cet immense berceau de bois. J’attends et j’écoute. Parfois je reproduis des sons.
La maison est le cercueil des violences, l’alcool dur du labeur, les pognes et les odeurs âcres de la sueur. Très tôt le matin, les disputes, les éclats, coups de coude. Et le soir, le plein chaos du soir, jusqu’à temps que l’écran du téléviseur se mette à trembler de toutes mes forces.
Je travaille jusqu’à près de minuit.
Je mange ma peur en petits pois dans les doigts. Je frappe une cadence. Je plonge droite et entière dans l’écran du téléviseur qui m’avale l’intérieur.
« Je mange ma peur en petits pois dans les doigts. Je frappe une cadence. Je plonge droite et entière dans l’écran du téléviseur qui m’avale l’intérieur. »
Ta peur on la ressent en lisant tes mots. Alors je pense à mon enfance et je me dis que j’ai eu quand même beaucoup de chance.
Merci infiniment Laurent, grande joie à lire vos textes !! bonne soirée à vous
Force des deux derniers paragraphes
Ton narrateur pourrait donc être un enfant ?…
Alors vraiment, Françoise je pars à l’aveugle, tel refus de se projeter, adviendra ce qui pourra, et pourquoi pas, oui le narrateur enfant, c’est difficile de prévoir… en tout cas, tes textes sont toujours aussi beaux !!