Là, il y a un petit berceau, à l’ancienne avec du tulle blanc, très blanc, la petite jette des fleurs dans le berceau, des fleurs séchées, devant la fenêtre, et elle, à contrejour, toute petite devant cette fenêtre, les fleurs séchées sont là par terre, elle les jette une par une dans le landau, c’est un rituel, comme elle est seule, elle se demande si il faut le faire, si c’est leur place ces fleurs séchées dans le landau de la poupée, elle est très concentrée. Elle ne pose pas de question, c’est plus tard, maintenant, les fleurs sont toutes dans le landau, à raz-bord. Je suis au bord de son lit, la semaine précédente, j’avais rangé sa chambre avec elle, elle est alitée depuis des mois, elle va retourner à l’hôpital en soins palliatifs, je range ses peluches, elle en a toute une collection, des grandes très grandes, je les mets dans des cartons, je jette. Ce n’est pas triste, je ne sais pas d’où je tire la force de tout empaqueter, demain les soins puis elle partira. Je range son enfance, elle m’a vu naitre. Je range aussi la mienne, en jetant des fleurs dans le landau. C’est l’enfance qui fout le camp. J’ai le cœur brisé. Sur le moment je ne relève pas les parallèles. Je fais. Hier elle m’a montré des photos de M. en Algérie, elle me dit regarde elle faisait cousait tous ses vêtements, là elle pose devant l’objectif avec ses enfants. Sa présence résonne ici.