Celle qui a passé sa vie dans les montagnes russes des superlatifs
Celle qui est restée petite fille sur un dessus de cheminée
Celle qui intrigue dans son cadre avec son chignon sur le haut du crâne, émergeant d’un bain moussant à moins que ce ne soit d’un décolleté de mousseline
Celle qui voit toujours des transparences nacrées dans les ciels les plus bas
Celle qui oublie son sac dans les hortensias pour mieux enlever le lierre et les fleurs mortes
Celle qui a la tête penchée d’orpheline
Celle qui est une gueule cassée et sert très fort dans ses pattes maigres pour rassurer
Celle qui tricote des pulls et des gants avec la laine Bergère de France
Celle qui lit toute la presse française et américaine
Celle qui vit avec son amie
Celle qui vivait à Alexandrie et a peint les citrons
Celle qui porte une longue robe noire, un visage sévère de veuve dans un jardin d’hiver
Celle qui divorça pour retrouver le fil de sa vie
Celle qui reprend la conversation commencée l’année dernière
Celle qui a un regard mélancolique photographiée sur un papier inaltérable à Roman sur Isère
Celle qui danse en toge avec son petit frère avec des fleurs plantées dans les cheveux
Celle qui donne la sève de son sein à un enfant dodu entourés de jeunes enfants aux cheveux roux occupés à ne rien faire
Celle qui pose avec son mari en permission et sa petite sur les genoux
Celle qui lit tous les livres qui lui tombent sur la main
Celle qui fugue en pleine occupation avec sa bicyclette
Celle qui prend la température des plantes par le trou des pots de fleurs
Celle qui a tous les mots qui se bousculent dans la bouche quand elle est émue
Celle qui ne peut pas effectuer de travaux manuels à cause de ses mains moites
Celle qui est « désolée » et « pourrait à la limite »
Celle qui est féminine tout en étant garçonne
Celle qui se passe la paume de la main sur le nez jusqu’au front pour mieux penser
Celle qui réfléchit avec son œil à l’intérieur
Celle qui ne supporte pas les mères « parfaites »
Celle qui ne rêve pas du tout devant les nourrissons
Celle qui est la grande sœur portant la même robe que la petite sœur rayée d’une seule ligne d’horizon
Celle qui porte deux bandeaux de cheveux sur sa tête pale, les deux étaux d’une vie de recluse
Celle qui chope le détail qui tue avec ses mains courtes.
Celle qui recommence chaque jour la combinaison compliquée de la veille pour en vérifier la pertinence
Celle que tout le monde Adoooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooore
Celle qui est Hypergentille
Celle qui écrit les signes mystérieux du langage du mouvement
Celle qui a longtemps cru qu’elle n’avait pas de tête
Celle qui demandait toujours s’il n’y avait pas quelque chose à faire
Celle qui propose un petit bout de parachute du débarquement dans la boite à biscuit
Celle qui enlève sa perruque pour terroriser les jeunes fumeurs
Celle qui ne met pas de culotte parce que ça serre à la taille
Celle qui déplore qu’il n’y ait plus de mariage que du collage tous des communistes vivement la mort
Celle qui mange de la guimauve avec ses chaussons violet et son pull tricoté rose
Celle qui va toujours très bien et use ses dents
Celle qui convertie ne parle plus à sa famille
Celle qui chante au piano en consultant la législation et cuisinant une anguille trouvée sur la route
Celle qui n’est jamais à l’endroit où on pense qu’elle pourrait être
Celle qui ne sort jamais sans avoir refait son chignon et mis son rouge à lèvre
Celle qui épluche à une vitesse de fusée les oignons et les légumes en mille morceaux
Celle qui arrive le dimanche avec un bouquet, des paquets, une bouteille et Aujourd’hui en France
Celle qui emmène le dimanche au drugstore lire des bd
Celle qui calcule le temps qui lui reste aux personnages qu’elle a encore à saisir
Celle qui n’écoute plus de musique depuis qu’il n’y a plus de vinyle
Celle qui dit que le raccourci de la vache noire permet d’éviter les embouteillages du dimanche soir.
Celle qui est la Jeanne des Zadistes
Celle qui est d’accord à partir du moment où on lui raconte les histoires de la bande
Celle qui a toujours mal au dos et craint les courants d’air
Celle qui poste des vidéos de pâtisseries qu’il faut plébisciter
J’y pense parfois, je les dépoussière, je les ressens, je les invente, je leur parle.
Comme toutes ces « celles qui » m’ont donné à réfléchir au fait de la disparité de leur prise de ligne dans le texte et pourtant, celles qui ne sont présentées en pas plus qu’en sept mots ne sont pas les moins marquantes…
Bonne poursuite dans le cheminement d’écriture,
Philippe