BOIS comme ces vaux ces allées forestières qui nous portent aux cimes là-haut forment rages dehors rage dedans lorsque vous déroutiez la rage vous dégagiez la route alors que rangé rongé vous dérangiez la route aussi en nage nuage en orage de rage vous avez continué vous avez poursuivi en serrant les poings liés au fond de vos poches usées fatiguées râpées par la route par la chute sur la route puis vous avez poussé telle une graine en la fissure d’un mur le pied dans la crevasse de goudron sous-couche calcaire sable terre le pied dans le plancher des vaches entre lames entre les vaches vous avez tant poussé les murs de briques de béton coulé BOIS sages de nos tunnels séquelles de nos beuveries dans les orties poussé dans les cailloux poucet au bord des routes poucer il en a fallu du temps des mois des années de solages bien pensés car certes parpaing n’est pas bâtir il faut le dire construire est affaire de lieux à grommeler de liants à retourner en patience des jours durant des jours mouvants de sable et granulats à la pelle en veux-tu en voilà remuer sans cesse l’appareil dans les creux dans les coins armés de fers aussi pour de solides piliers hourdis des linteaux de fenêtres traversées plus tard dans la nuit et l’air sec de l’été au dos cassé tant de fois et tant de nuits à attendre espérer en dessiner des caisses crayon stylo bille Rotring à l’encre de chine des belles aux BOIS qui se moquaient qui se moquaient se moquaient de vos petits souliers d’été vous l’avez poussé la langue vous l’avez tirée en cherchant votre souffle au pied des escaliers de ciment qui montaient au collège vers les cours des sciences et de la technologie vous la tiriez encore au moment de tomber pris dans votre élan mais vous l’aviez tant poussée vous l’aviez tant tirée que vous l’avez percée vous l’avez même coupée qu’il fallut la recoudre à vif au catgut votre langue et la nuit passée à vomir le caillot du sang noir de la langue gonflée parce que ça gonfle une langue abîmée à vous soulever du sol à vous ôter le cœur pour cracher du sang noir dans le blanc de l’évier puis le regarder tournoyer disparaître dans l’eau qui coulait plein la bouche de la langue gonflée et tant et tant que même encore des mots ne se prononcent pas ou se prononcent mal qu’ils sont mal entendus comme des maux distendus ou maudits tandis que vous pansiez la langue tirée déchirée et percée dedans par une canine traitre ou sauvage car vous étiez sauvage à cette époque-là vous étiez dur au cuir tanné des ceintures de cuir qui sifflent dans l’air casuarina BOIS-de-fer à couder sur la table des forts où tenir les maths en échec de ceux qui comptent ou bien jouer la géographie de Gracq de la forme de Nantes jusqu’à La Charente son embouchure à Port-des-Barques et demain encore mouiller une anche frémissante si clarinette il y a des toits descendue de ce couvent des carmes où se jouaient jadis des classes de musique les cordes tendues les vents entendus les BOIS de Mozart à Vienne puis en Afrique du Sud quand faute devant panne d’amer panne d’ennui vous grimpiez aux branches des figuiers puis clavicule cassée cheville ou vrillée clavicule brisée vous l’aviez bien caché vous l’aviez bien cherché dos en vrac courses en sac chutes à vélo vous trainiez la terre à vos souliers crottés des BOIS au fil de ces lignes qui filtrent la lumière qui filent vers les blancs ou les bleus de la plage la falaise de craie où vous avez poussé le doute jusqu’à vérifier le vide et poussé du coude du genou du pied et même poussé du cul pour votre corps entier de même vous avez poussé votre lit d’enfant contre la porte des grands et leurs volets fermés vous vous êtes poussé à bout enfin de vos os après avoir poussé ces feux irraisonnablement vraiment c’est le mot ce n’était pas sérieux ce n’était pas heureux cette idée d’aller aux limites de vos forces et pousser à la roue sans plus respirer toujours au-delà prouver quoi faut pas pousser quand on n’a pas le goût vous n’étiez pas naturel dans vos habits guindé quand ces ailes qui vous venaient dans le dos n’étaient que le chiendent d’une gloire éphémère précaire si pauvre en talent si pauvre d’esprit sans créativité aucune sans poésie sans produit de l’écrit sans art ni artifice sans arc-en-ciel sans sourire ou sans joie sans lointain idéal sans idéal au loin à moins d’écrire au moins essayer quand on poussait parfois on disait BOIS jusqu’à la lie ce plaisir d’écrire et lit ce que tu vois même si tout ce qui tombe sous tes mains un almanach avec des phases de la Lune les pochettes à disques un dictionnaire de rimes celui des synonymes l’anonymat des bandes dessinées et les romans d’école et les journaux dans les bibliothèques aux murs entiers de cuirs ou de cartons avec dedans les découvertes l’ordonnance des mots qui fait feu de tout BOIS vous en sortiez grandi car il faut le dire également dans ce monde d’ouvrage si méfiant des grandes paroles seul dans un livre on vous laissait tranquille on vous fichait une paix royale comme si le texte imprimé donnait l’impression d’apprendre à apprendre de ces Robinson Tom Sawyer qui permettraient à la fin de profanes aventures arrachées à la condition d’ouvrier et puis Rabelais c’était tout de même une autre cuisine et Rimbaud un sacré baroudeur et que de tout cela il sortirait bien quelque chose si les petits cochons ne vous mangeait pas avant si l’usine ne vous avalait pas tout cru si la vie de labeur vous laissait encore le temps de rêver puis surtout le temps d’écrire et c’est là aussi que le papier magique vous a donné cette loufoque idée au début mais peu à peu magnifique que vous étiez façonné de ce BOIS dont on fait les arbres du sol où vous tombiez si souvent ce n’était pas par hasard il fallait bien le rencontrer le sol de cette terre afin de vous confronter à eux solitaire et si durement à maints reprises mais enfin quand bien même était dure la chute il fallait la vivre à dix ans pour comprendre le sel pour en sentir le nerf ressentir la pierre la matière l’asphalte en tapis qui couvre la poussière l’herbe sauvage les mousses les algues et même le grain du sable il fallait les toucher du nez les manger du regard les apprendre les connaître sur le bout des dix doigts pour écrire une vie qui n’en finirait pas n’abandonnerait jamais la conquête d’une histoire de justice un dossier de preuves à monter contre les siens histoire entière de la fatale résilience du BOIS planté au printemps pour une graine d’automne qui portera ses fruits le moment venu lorsque du bout de ses branches inclinées tomberont les pommes en gravité il conviendra de tout dire et de tout raconter du comment vivent les femmes et les hommes de bonne volonté comment sont triés les enfants de notre société comment sont distribués les sorts de travailler pour quels travaux forcés pour quels métiers d’élites pour quels maroquins quelles médailles quelles charges respectables pour délectables notables faiseurs de navrance puis de culture savantes mais enfin BOIS comme ces vaux ces allées forestières qui nous portent aux cimes là-haut sont autant d’ambitions d’horizons de fiertés de raison emportée de les voir ainsi s’élancer de devoir les lancer de les voir vous porter enfin nu vers quelques méchantes idées au papier mâché abéché rabâché que plus rien désormais ne retient.
Je BOIS à ce bien beau parpaing !
Merci beaucoup pour votre commentaire, venant d’un professionnel des mots scandés, je suis flatté. J’ai bien aimé aussi vos vidéos 3 D du petit déjeuner… En fait, j’étais comme une fourmi qui se cachait derrière la tasse de thé. Bravo pour vos travaux également. Et si vous passiez par la Touraine, j’irai volontiers vous entendre.
Moi aussi!
C’est vraiment magnifique ! C’est comme être à la recherche d’une existence qui se dévoile à peine et par bribes à travers une forêt boisée… Je ne me suis pas laissée perdre et revenue au point de départ à la fin du texte. Et pourtant tout au long du texte des déstabilisation intéressantes. Merci.
Merci, flatté de votre appréciation. Je vais vous lire à mon tour.
VERTIGINEUX.