# Boost # 04| il aurait bien fallu encore
Tenir tête au désordre des pensées — au désarroi de leur égarement — cramponnée à la frange de son corps — pieds englués dans la glaise qui avale en-dessous — ailes rétrécies inaptes au déploiement — et comme une horde de bêtes fauves au cœur du dedans qui trépigne et piétine — Tenir tête à un jour mutilé — un de ces jours mal ficelé — tisonner à mains nues les charbons consumés — sauver ce qui peut l’être des cendres encore chaudes — le songe de quelques mots et juste quelques mots — Tenir tête aux vagues en brouet noir de brume — celles-là même que l’on a déjà vues— déjà affrontées sans armes et sans air — et qui n’en finissent pas de rôder entre terre et ciel — camisoles froides de troubles et de tourments— Tenir tête face au paradis perdu — rechercher les sensations d’avant la chute — les couleurs d’un autrefois sans retour — les fleurs rouges et violettes d’une vérité cachée — un bouquet de ballons aux pétales d’anémones — des plate-bandes fleuries où transpercer les apparences — le raccourci d’une métaphore parfumée — Tenir tête aux flaques — les réelles et les illusoires — celles qui creusent une brèche dans le commun des jours — celles qui entrouvrent une porte pour le passage des démons — celles d’un seuil où tout se met à flotter — celles qui vous aspirent ou bien vous paralysent — Tenir tête à ces bulles d’idées — on ne sait d’où elles jaillissent — il faut se faire éponge et capter ces opales — trouver la phrase parfaite ronde et multicolore — dehors cela gémit serpente coupe et se tord — Tenir tête aux figures des cauchemars — frères à demi ou morts à part entière — et détacher de l’ouate les desseins qui se terrent dessous — faire tomber les masques de son propre visage — sur la crête des vagues lutter les yeux scellés —Tenir tête au temps qui passe — à son voile de pénombre — au chat noir qui se faufile près des miroirs — aux malédictions des fantômes rôdant près de son corps — il faut écrire encore et encore pour lutter contre les cataractes d’ombres et les arêtes du jadis — les vagues qui se brisent et les tracas du corps — Tenir tête aux éclats de verre des voix — dans les champs d’asphodèles sur les trottoirs des villes — il y a des ailes qui battent et rebattent le temps — il y a des visions dont la source est perdue — il y a des marques sombres sur la paroi du jour — il y a des angoisses et des terreurs sans fin disséminées — il y a des parenthèses qu’il faut bien refermer — il y a l’impureté des mots dont on ne sait que faire — il y a ce trop qui déborde dans ce creuset de vie — il y a des voix qui disent ce qu’il faut faire — Tenir tête — il aurait bien fallu encore
Codicille: J’aime cette écriture avec tirets. Je la trouve libératrice dans sa contrainte. Par contre je ne mets pas de majuscule d’habitude. Et je suis toujours dans le sillage du personnage de Virginia, je tourne autour de manière différente et cela me convient bien.
« Tenir tête au temps qui passe — à son voile de pénombre — au chat noir qui se faufile près des miroirs — aux malédictions des fantômes rôdant près de son corps — » Magnifique merci Solange
Merci Nathalie pour cette lecture. Les chats et moi c’est toujours difficile…!
j’ai adoré : ‘il faut se faire éponge et capter ces opales’
et ça éclaire tellement de savoir que ça tourne autour de Virginia
(merci Solange)
Merci Françoise. La personne de Virginia est constamment derrière mon épaule me semble-t-il…
Magnifique ! Particulièrement touchée par les « il y a » en fin de texte. Merci Solange