#boost #00 | Avenue de France 75013 Paris

… Pérégriner avenue de France, paysage urbain, reconfiguration immobilière constante. Une avenue entre Ancien et Nouveau, passé et à venir. Un « ancien » qu’on souhaite effacer, qui périclite et un « nouveau » énigmatique, qui cherche ses marques. Marcher dans cette avenue comme dans un puzzle, vérifier comment les différentes pièces du jeu s’ajustent. Observer ce que signifie « constructions en cours », mais aussi transformations, audaces architecturales, passants , selon les heures de la journée. Un Est parisien mobile, un Ouest parisien immobile et verdoyant, un face à face, la ville bouge et respire.

Croisement au boulevard Vincent Auriol , les lieux sont façonnés par l’ histoire, passé ouvrier, lieux de stockage et de déstockage de marchandises,   lieux gris, lieux utilitaires, puis lieux abandonnés, friches, squats… Une classe ouvrière, qui cède la place au profit d’intermittents, de startuppers, d’étudiants … un monde, ou plutôt une mosaïque de micro identités. Travailler, consommer , vivre.

.Un carrefour qui garde son statut d’échanges, de transactions entre l’immeuble d’un grand quotidien, 2 gares à proximité et des grandes enseignes de la finance. Partager la mouvance et en même temps isoler. Des déplacements géographiques stratégiques : vanter les lieux et en même temps décourager. Pas d’appropriation possible. Tout est prévu pour reconfigurer, au gré des mouvements de capitaux le paysage urbain.

Lieux historiques , l’hôpital de la Salpêtrière , initialement hospice destiné à recueillir indigents et aliénés , lieux d’enfermement dits hôpital de la force , aujourd’hui lieu de soins mais aussi lieu ouvert , mais pas tout à fait …. Désormais , plus question de traverser ses jardins pour le promeneur curieux. Demeure la chapelle Saint Louis de la Salpêtrière, lieu de culte mais aussi artistique et musical. Son dôme et son clocheton dessinent des courbes dans un paysage de verticales.

La lecture du paysage devient difficile , le regard se heurte constamment à ce qui se construit , à des espaces qui échappent au sens que peut donner la confrontation d’un espace connu et du même espace en devenir. Une forme de violence qui saisit le promeneur, qui marche à la fois pour retrouver des paysages familiers et pour en découvrir de nouveaux. De nouveaux paysages souvent imaginés avec une douce nostalgie et là, retrouvés, dans une perspective où le brutalisme des architectes se déploie .

Suivre le paysage des grues , les constructions multiples et permanentes,

se chassant les unes les autres, les échafaudages, les blocs de bétons, les cubes gris, les couches successives des millefeuilles de bétons, superposés … Le béton omniprésent. Un monde en devenir, un devenir énigmatique.

Côté Seine , en parallèle,  de nombreuses brasseries, des espaces de travail collectifs, un cinéma qui focalise beaucoup d’attention et occupe un espace important. Espaces en partie partagés avec la BNF initialement Francois Mitterrand et aujourd’hui dite Tolbiac. L’immense parvis recouvert de bois, souple aux pieds du marcheur, est un lieu de passage prisé , calme et désert le matin, joyeux et festif le soir. Des artistes, des sportifs, des promeneurs, des curieux, des salariés , des entrepreneurs, des étudiants polyglottes et des touristes aussi… des galeries d’art …. Promeneurs solitaires du matin, dans la percée de lumière des débuts des journée. Puis soirées, flux de personnes, flux qui s’agglutinent aux arrêts de bus, se bousculent sur les quais du tramway, s’engouffrent dans la station de métro , aux mêmes heures, répétitivement. Des paroles s’échappent, illustrant la variété de langues ignorées mais bien vivantes, vie d’un lieu qui n’existait pas sur les cartes de géographie, scansions au rythme des jours et des activités des uns et des autres.

Puis enseignes commerciales réservées aux besoins quotidiens : se nourrir, s’habiller, aménager son intérieur …

Côté Seine, à nouveau, les constructions semblent achevées, les lieux semblent être appropriés. En face, toujours des grues et des constructions en cours. Avec une évolution : les constructions sont de plus en plus rapprochées car la ligne de fret, devenue ligne de transport parisien complique l’urbanisation. Recouvrir cet espace pour pouvoir y construire , ce qui ne va pas de soi. Difficultés techniques, longueur des chantiers… Les grues habiteront sans doute encore longtemps l’espace. 

Et puis de plus en plus de brasseries , petites, grandes, pour accueillir au déjeuner les  «  travailleurs », ou bien « les salariés » (comment nommer ce monde du travail hétérogène ?). Une immense « cantine » en somme, un brouhaha de toutes les présences.  

Le bout de cette avenue , se termine au croisement de la ligne de tramway et au pied des tours Jean Nouvel. Passage nommé Porte de France en toute simplicité.

Mais avant le croisement, locaux flambants neufs de l’université de Chicago qui accueillera de futurs étudiants pour un cycle universitaire. Des espaces qui se superposent, des baies vitrées qui laissent voir la ville, laissant entrer la lumière par flots.

Traverser la porte de France, traverser la ligne de tramway : passer d’un monde qui ne cesse d’évoluer, d’un futur de science-fiction vers un monde contemporain quotidien : une enseigne de bricolage bien connue fait face aux tours de Jean Nouvel.

                                                                           Voilà le monde comme il va au long de cette avenue: transformer, sédimenter, distraire , cultiver ( mais dans des programmes autorisés), contribuer à l’économie… Et au bout du compte bricoler un présent incertain.

A propos de Annick Nay

Des bords de Loire aux bords de Seine, des paysages, un parcours... A toujours aimé écrire au gré des saisons et de ses pérégrinations … ECRIRE quelquefois, souvent, pas du tout … ECRIRE des brèves, des textes longs, c'est le texte qui décide … ECRIRE quand l’écriture fuit … ECRIRE explorer , persévérer , partager … Publications: texte poétique dans la revue Filigranes (2004) Labo écritures à Vézelay ( 2004), écritures et photos. Catalogues d’artistes, au gré des expositions et des galeries. En ligne «Raconter la vie» avec le pseudo Clotilde N.(2015) Animation ateliers d’écritures çà et là Installation Pavillon de l’Arsenal 5/02 au 17/03/2024 I«Paris en 2050»

4 commentaires à propos de “#boost #00 | Avenue de France 75013 Paris”

  1. Coucou Annick,
    Merci pour ce superbe texte.
    J’aime beaucoup ta précision dans la manière de dresser le paysage. Et les contrastes tout au long du texte. Regard pointilleux. Et un balancement entre prise de distance nécessaire pour écrire ce bout du monde et lâcher prise pour dire l’humain, ce qui le met en mouvement.
    Ecrire la ville te va à ravir.
    Bises.

  2. Coucou
    Merci pour ta lecture et ton commentaire. Ca me stimule pour les prochaines propositions d’écriture .Oui c’est exactement ça, un balancement entre les lignes dures bétonnées et la fragilité des humains.
    Bises

Laisser un commentaire