Les volets presque ouverts sur la chaleur de la sieste, la cour dallée avant le petit ressaut vers les buis, les arbres, le jardin, la fontaine à gauche, ses carreaux mauresques, le vide d’un début d’après-midi d’été, sourire lentement pour garder la langueur, baigner dans les retrouvailles avec ce pays qui n’est plus la France, constater que cela n’a point d’importance, qu’il est immuablement beau et aimé, terre des grands parents, oncles, cousins et d’une partie de l’enfance.
Pousser le volet de gauche pour voir la porte donnant sur le sentier grimpant de la plage qui ne s’ouvre que lorsque, comme maintenant, le pécheur, pantalon ample, débardeur, chéchia, peau rouge sombre et sourire sous moustache vient présenter le produit de sa pèche à la maitresse de la villa parce qu’elle est la première sur son chemin, enjamber le rebord de la fenêtre pour voir gigoter les écailles brillantes, s’émerveiller que notre mer commune soit tellement plus riche ici.
Le robinet de la fontaine goutte lentement et l’eau chante en notes espacées sur le bassin, un enfant en maillot et bob fait glisser un poisson de plastique vert dans une cuvette jaune, sous le tilleul du jardin la maîtresse de maison reçoit les femmes du village et leur apprend comment voter pour les premières élections du pays, des rires qui fusent et des voix pressées, une silhouette debout contre la rambarde séparant de la cour remonte le voile qu’elle avait laissé glisser.
Une femme rameute les enfants qui jouent dans la cour ou le jardin vers le bain et le dîner, la petite fille du fermier restée seule salue d’un cri, récupère son foulard, le noue à la diable et remonte en maillot et débardeur l’allée avec son oie blessée, des voix et des bruits d’assiettes et de bouteilles disent qu’il est temps de passer sur la véranda au dessus de la plage regarder, verre en main, le soleil plonger dans la mer avant d’aller parler et s’agiter dans la cuisine.