Qu’est-ce-que cette phrase : « Le caleçon de coton noir, l’étoffe lâche, détendue, glisse, la rouler à la taille et faire un noeud sur le devant comme un pagne. », on pourrait aussi bien écrire : « L’étoffe lâche, détendue, du caleçon de coton noir, glisse, la rouler à la taille et faire un noeud sur le devant comme un pagne. » Mais placer le syntagme « Le caleçon de coton noir » en tête de la phrase, pose l’importance de cette objet – le caleçon – qui se transforme en pagne, dernier mot, aboutissement de la phrase, avec les connotations culturelles liées à ces deux vêtements. Des trois verbes : « glisse », au présent, concerne l’étoffe, une action de l’étoffe qui entraîne le glissement du caleçon d’où la nécessité de la « rouler » à la taille (l’étoffe donc le caleçon) et de « faire » un nœud avec l’étoffe, transformant ainsi le caleçon en pagne. Il y a donc, au long de la phrase, une ambiguité concernant les sujets et les objets. Si j’écris : « L’étoffe du caleçon de coton noir est lâche, détendue, elle glisse, il faut faire un nœud sur le devant comme un pagne. », j’ai une description du problème de l’étoffe qui glisse et une solution : faire un nœud. Mais je n’ai pas le ressenti du personnage qui, sentant glisser son caleçon, roule l’étoffe détendue et en fait un nœud. « Rouler à la taille l’étoffe lâche, détendue, et faire un noeud sur le devant du caleçon de coton noir qui glisse. Comme un pagne. » serait une solution proposée au problème du caleçon (ou plutôt une directive, comme dans les notices explicatives) donnée par une voix anonyme, donc occultant le personnage porteur du caleçon. Une narration de ce que fait le personnage pour ne pas perdre son caleçon serait : « Le caleçon de coton noir glisse, l’étoffe est lâche, détendue, il la roule à la taille et fait un nœud sur le devant comme un pagne. » on aurait une vision du personnage aux prises avec son caleçon, une vision extérieure, une description. Donc la phrase « Le caleçon de coton noir, l’étoffe lâche, détendue, glisse, la rouler à la taille et faire un noeud sur le devant comme un pagne. », écrite ainsi instinctivement, implique le ressenti du personnage en focalisant l’attention sur la succession des gestes commandés par l’enchaînement de sa pensée : le caleçon glisse / c’est à cause de l’étoffe détendue /donc on la roule à la taille / avec un nœud sur le devant. La phrase est en deux parties : 1 – description. 2 – suggestion d’une action. Il y a un mouvement qu’on ne trouve pas dans les autres phrases. En même temps, 1 – peut être le ressenti du personnage et 2 – la décision qu’il prend de faire un nœud. Le rythme plus rapide par l’absence de liaisons exprime l’urgence de fixer ce caleçon à la taille – pas de sujet et pourtant le personnage est bien présent, il se peut qu’il se parle à lui-même – Cette juxtaposition d’éléments reliés les uns aux autres non par des chevilles grammaticales mais par le vécu à l’intérieur du texte, ce qui s’y joue, et sans qu’on sache forcément qui joue, me paraît être une donnée essentielle du personnage constamment aux prises avec une réalité qu’il doit gérer, infléchir, organiser (c’est à dire la problématique de tout être humain) pour protéger son intégrité et sa dignité. L’ambiguité des sujets (caleçon, étoffe, personnage) l’apposition de « l’étoffe » et l’emploi de verbes à l’infinitif qui permettent de pénétrer la pensée du personnage d’après la succession de ses gestes, pourrait être une démarche généralisée dans le texte. La frontière ici, située entre le ressenti du personnage (dedans) et ses gestes (dehors) acquiert une transparence par absence de liaisons. La phrase en question serait bien une « lisière » dans laquelle se mélangent le dedans et le dehors.
évidente sensualité de ce roulé retourné dans tous les sens, j’aime
c’est finement ressenti. merci.