A partir d’un extrait du premier texte.
Je ne crois pas qu’ils sauteront. Ni même qu’elle la rejoindra. Je sais qu’il est penché et me regarde et n’espère rien. Il rêve. Il sait la vanité de son espoir et que lui seul peut raconter ce qui aurait pu se passer si. Et que c’est cela écrire. Je suis né de la flaque de ses larmes et j’aurai bientôt disparu avec le vent et le soleil. Déjà je n’existe plus que dans les mots qu’il aura tracé ailleurs.
Il écrit qu’il y voit la cime des arbres, dans la flaque. Il s’y voit. C’est lui. Il s’y écrit. Je, dans la flaque. Et ça bruisse légèrement, chaque feuille dessinée aussi précisément que possible sur le miroir de l’eau et il écrit qu’un jour, penché là, il verrait son visage à elle apparaître se penchant aussi, près de lui, regardant ce que je regarde, cherchant à comprendre ce qui le fascine, et qu’ils se verront, côte à côte, souriants, et que le reflet leur dira que ça y est, ils sont ensemble. Il s’y écrit l’y regardant. Et son visage à elle sera aussi dans la flaque.
Ils pourraient y sauter.
Mais qui écrirait leur disparition, leur dilution ? Qui resterait pour raconter leur élan ? Quel récit se ferait de leurs mains accrochées l’une à l’autre ? De leur dernier cri de joie ? De leur engloutissement ? Des éclaboussures suspendues et de la flaque finalement éparpillée, disparue ? Resteraient un temps des éclats d’eau, des gouttes en suspension, et pour qui s’y pencherait, ici une mèche, un regard, le coin d’un sourire, juste le miroitement des corps dans l’univers fragmenté des évaporations en cours.
Puis plus rien.
Juste un texte, et dedans le lecteur, la lectrice, qui se regarde lire. Espérant peut-être au dessus de son épaule, un autre regard, une autre lectrice, un autre lecteur, plongé dans les mêmes mots, les mêmes émotions. Et cette lecture parallèle les happant ailleurs, les entraînant, les faisant disparaître du monde le temps d’une phrase lue ensemble, sans que rien d’autre n’ait la moindre importance, et que seul compte le mot suivant, et encore un, et petit à petit le cœur se serrant dans la crainte que cette fois, ce soit le dernier.
Quel bonheur la lecture de ce texte ! Je ne peux pas tout lire. Lire au hasard c’est bien car souvent il fait bien les choses. J’ai reçu les images, la construction très reussie avec incomprehension levée et jolie symétrie. Et ça nous concerne tellement. Grand merci
Merci. J’ai un faible pour le hasard, aussi.
Belle écriture en boucle pour ce texte sensible.
Merci.
tout disparaît, c’est une réalité… mais se transforme
sensible oui, c’est ce qui me touche… merci Sébastien
il ou je rien n’est stabilisé pour que vienne un texte stable