29 août 1946. Joséphine a 18 ans, elle hurle de douleur sur la table, la sage-femme l’observe sans aménité « poussez, poussez donc on ne va pas y passer la nuit ». Il y a déjà 18 heures que les contractions sont fortes. Elle ne verra pas l’enfant. Elle refusera de le regarder. Au lendemain de la guerre, la Sécurité sociale permet à chacun d’accéder à des soins. Joséphine a 35 ans et tient une boutique de fleurs rue de Vaugirard. Elle rencontre chez son fournisseur de Rungis celui qu’elle épousera en 1963. Ça parlait fort, ça s’agitait dans tous les coins, ce jour-là, un regard suffit. En 1968 naît une petite fille. Quand les groupes d’étudiants passent dans la rue. Elle s’interroge, elle se demande si sa fille ira à l’université. Bien sûr qu’elle ira. Elle ira loin sa grande. Elle s’intéressera à la matière, elle fera de la physique. Joséphine a 43 ans, elle donne naissance à une seconde fille. Une surprise. La même année paraît dans le Nouvel Obervateur, un manifeste en faveur de l’avortement rédigé par Simone de Beauvoir. Le document est signé par 343 femmes des Arts et des Lettres qui revendiquent avoir déjà avorté. Un soir de décembre 1978, l’époux de Joséphine disparaît mystérieusement, la laissant seule avec les deux fillettes. Le 19 décembre 1978 a lieu la plus grosse panne d’électricité que la France a connu. 75 %du territoire est privé d’électricité pendant plusieurs heures. Avec le temps, Joséphine dira en prenant un air amusé qu’il est parti acheter des allumettes, qu’il s’est perdu dans le noir. Le mari ne fumait pas. À 76 ans, un petit-fils paraît. Une joie, collée à une tristesse venue de loin, la submerge. La nuit, Joséphine voit les murs de l’hôpital Saint-Vincent de Paul. Les yeux de la sage-femme jaugeant la petite dévergondée en souffrance se superposent à son regard dans l’obscurité. Elle ne sait pas comment Sonia, sa première fille, l’a su. Sonia prétend avoir un frère né sous X, elle le cherche, elle pose des questions. À 96 ans, Joséphine refuse de répondre aux questions. L’extrême droite accède au pouvoir et remanie la constitution. La nuit, Joséphine entend des pleurs de nourrisson.
Eh no! l’extrême droite n’arrive pas au pouvoir cette fois! Merci pour ce texte qui relie intime et histoire politique et sociale du pays, c’est très intéressant de suivre cet éclatement de cette femme et la piste de l’enfant. On a envie de continuer à lire.
Bienheureuse que la vision de la fin soit erronée. Merci d’avoir lu et l’envie d’en savoir davantage est un commentaire qui me fait vraiment plaisir.