Dans L’entame des jours | écho-fiction
Maison d‘enfances
Poussière. Mais nécessité de monter au grenier pour replacer une tuile. Une infiltration d’eau s’est manifestée sur la tapisserie du salon. C’est le genre de symptôme qu’on redoute dans les vieilles bâtisses construites de bric et de broc, vulnérables malgré l’insertion d’énormes pierres de rivière, mais farcies de matériaux hétéroclites. Un fatras de petit bois, plâtre, paille, terre déshydratée, rouillures tordues, le tout maintenu par plusieurs couches de galandages successifs et bon marché. Autrefois, on ne jetait pas volontiers ce qui pouvait combler les vides dans les murs non porteurs. Seuls les angles devaient garantir la hardiesse de l’édifice. On voyait grand pour abriter les générations solidaires.
Rodolphe, un homme qui se sait pragmatique, pense à tout cela en manipulant l’ampoule accrochée à deux fils sur une vieille douille. La loupiotte se rallume immédiatement. Il sourit. Ça marche encore ! Cette rustique lampe ne sert pas souvent. Le son sec du déclic familier de l’interrupteur l’a rassuré. Une lampe de poche aurait rendu la visite beaucoup plus lugubre. Mais, dès le hall d’entrée, en passant, il a pensé à en fourguer une, par prudence, dans sa poche. La sachant peut-être encore dans le tiroir à clé d’une petite table brune et sobre, il l’avait retrouvée facilement, puis, ayant ouvert le boîtier de la pile Wonder…il vécut sa première déception ! Les bornes de piles oxydées lui ont rappelé la notion inconfortable de son trop long abandon des lieux.
Avez-vous, vous-même adressé la parole à une des maisons de votre vie ? C’est une question qu’il aimerait poser à d’autres personnes. En attendant, c’est le grenier qui l’intrigue le plus. Cette histoire de tuile n’aura été qu’un prétexte. Il veut bien l’admettre, un vieux trousseau de clés à la main, il a franchi chaque porte en frissonnant un peu. Puis il a laissé venir avec douceur la sensation étrange de présences invisibles, non hostiles, mais qui désormais le laissent seul et déboussolé. Il ressasse maintenant
dans sa tête à peu près tout ce qu’il serait bon de rameuter dans sa vie d’aujourd’hui, pour « y voir plus clair ». Des souvenirs endormis ou des secrets inconnus, qu’importe. Il a rendez-vous avec son passé. À son corps consentant, il a commencé à explorer son langage intérieur. Il va falloir qu’il appelle sa frangine pour lui parler de la fuite et du reste…