le végétal à perte de vue. des nuits qu’elle foule pieds nus les prés, traçant dans l’étendue verte une sente. ce soir les épaules plient sous un poids qui leste et colle au sol. ce soir la mélancolie fait sa marche plus lente, plus obscure peut-être. elle n’en finit pas de porter le poids de l’absent, cadavre évanoui, dans les creux et les pleins de son corps. elle ploie. le sol est d’herbes sombres à cette heure encore. et les pieds et les chevilles à mesure se veloutent de rosée. et les yeux cherchent quelque part, sur la ligne d’horizon, un accident de béton, des traces de lumière. en vain. la ville est loin derrière. les hommes loin aussi. la prairie nue bruisse du seul chant des grillons. elle s’immobilise enfin. goûte le vent. dans un mouvement lent de douceur infinie elle, entre les herbes, s’allonge, se plaque à la terre, tout contre. l’humide au contact. mollets, cuisses, fesses, dos, nuque, crâne font corps avec la terre et son odeur. les yeux fouillent le ciel au-dessus, retrouve le geste de l’enfant, cette tentative désespérée de sentir la profondeur, l’épaisseur du ciel, la traversée jusqu’aux étoiles. les bras longs, les paumes face contre glaise glissent à la crête des herbes folles. peut-être que le sol s’arrondit lentement sous elle, s’entrouvre dans son dos et qu’elle peut venir dans ce creux de terre enfouir ce qui pèse. autour l’air prend des allures de fin du monde. et les grillons regagnent leur trou.
Très beau, à la fois sensuel et mélancolique, et cette absence de majuscules, comme si cela avait déjà commencé depuis bien longtemps.
Merci beaucoup Vincent pour votre commentaire. M’intéresse et m’intrigue cette idée d’absence de majuscules et de quelque chose qui aurait commencé depuis longtemps. Je garde ça quelque part en mémoire.
Eva, ce texte est très sensuel, je dirais même charnel, on sent le corps de la terre, la glaise, la glèbe, que l’on pétrit et nous pétrit. On sent « l’arrière-pays » du texte, il y a beaucoup de choses, de matière personnelle ou universelle, que j’y ai mises à la lecture, sans qu’elles apparaissent, mais elles sont présentes, ton texte en porte l’empreinte.