– Arrivée à Kyoto un premier avril. – Pas de poisson d’avril dans le dos des enfants, mais ici et là, quelques koi nobori flottent au vent. Des poissons cerfs-volants. – Je suis dans une île. Elle s’appelle Honshū. Odeurs d’algues alimentaires et de riz qui cuit. – Partout des poissons rouges. Des vrais, des faux. Le poisson et le Japon quelle histoire ! – Encore du rouge, du vermillon sur les lampions de papier. Petits et ronds. Format identique, standard. En ligne le long des devantures, ils virevoltent en chœur – C’est la saison du tourisme, de la floraison des cerisiers.- Je ne comprends pas pourquoi tant de gens viennent ici voir des pétales, rose pâle, s’envoler, tomber, recouvrir l’herbe. L’intérêt me paraît minimal, à la limite du rien. Qu’est-ce qui peut être intéressant ? – J’ai acheté une paire de zori. Difficile de marcher avec. Comment font les japonaises pour avancer avec ça ? – Dans chaque jardin en fleurs, j’ai lancé des pétales en l’air, pour avoir l’air d’être comme tout le monde, j’ai aussi cherché des trèfles à quatre feuilles. Pas trouvé – Qu’ai-je vu dans la chorégraphie, le corps de Kazuo Ohno à Paris ? Il y a si longtemps. – Au cimetière Konyo-ji, j’ai joué à l’arbre, à l’érable, j’ai étendu mes bras comme un épouvantail. – Un nombre impressionnant de vélos circule, pourtant pas de bruit dans les ruelles. – J’ai suivi un japonais, sans particularité. Il s’est arrêté devant la porte d’une vieille maison recouverte de lattes de bois. Dans l’angle du minuscule jardin l’entourant, un arbuste feuillu, aux fines branches tordues. L’homme est entré chez lui, sans doute, sans me voir. – À Kyoto, je pense au film hongkongais « In the Mood for love », mais sans confusion aucune. – Les nuages sur les sommets des montagnes aux alentours stagnent, moi aussi je me sens prise d’une singulière lenteur, d’une certaine moiteur, le calme se révèle contagieux. – Et les pierres des jardins zen, choisies, disposées, caressées une à une. Une lumière laiteuse et paisible s’en dégage. Une telle perfection m’apaise, m’endormirait presque. – Il me faudrait peut-être visiter une fabrique de kimonos. Ne pas en acheter. Vous imaginez-vous, vous, au petit déjeuner, genoux repliés, plantes de pieds sur les fesses, pas réveillé, en kimono, à laper du thé vert amer, l’œil cerné et impassible? – Dans le métro, les néons décolorent les visages. Le métro sur des ponts de béton. Pour aller au lac Biwa, j’ai pris le train. – Pas envie d’entrer dans tous les temples indiqués sur le guide. Trop. Et puis, trop de sanctuaires. Je compte mes yens, je n’en ai pas trop. Où se cachent les pauvres ici ?