Ils n’auront que l’embarras du choix. Deux fleuves, plusieurs rivières, cinq cours d’eau et bien plus, fréquentés depuis toujours avec beaucoup d’infidélités. La mer et l’océan comme estuaires involontaires. A l’échelle de leur vie, ce ne sera pas grand-chose de spectaculaire à raconter. Ils se foutent de la couleur des sémaphores et des lampadaires. Seulement des flashs d’étonnement ou d’ennui sur les berges qu’ils frôleront fascinés en frissonnant. Ils plongeront dans l’eau plus rarement, l’été, généralement. Ce seront des nageurs apnéiques et velléitaires.
Le vrai objet flottant sera la parentèle, c’est lui qui hantera la plupart des rêves. Il n’est pas exact qu’il puisse parvenir une nuit plus qu’une autre à rejoindre l’amont, c’est même dangereux d’y croire. On ne boit jamais la même eau, tous les bois flottés vous le diront. En cas d’oubli elle stagne et croupit…
Encore un scénario furtif au réveil, rescapé des eaux sombres. Le narrateur sait qu’il ment. Il est encombré de réminiscences. Ni ses cartographies, ni ses recherches géologiques et historiques, ni ses gestes musculaires et mécaniques ne lui serviront. Avant son plongeon, Tel Narcisse penché sur son reflet glissant, il n’aura pas le choix de rester le même. Le courant impétueux floutera son existence. Peut-être même qu’un jour se réincarnera-t-il en castor ?
Avec la fiction, on ne sait pas dans quelles eaux l’ on trempe. L’eau ne parle pas, elle est moléculaire, sa transparence est une illusion d’optique. A l’état sauvage, elle gifle bien plus qu’elle ne caresse, tout dépend de ce qui la contient. La faire parler est une lubie de rêveurs hallucinés. Je ne sais lequel d’entre eux questionner. Pour l’instant je reste accoudée à la rambarde d’un pont. Ce n’est pas n’importe lequel. Je pourrais aussi me poster au bord d’une rigole, sur un chemin pierreux remontant une colline villageoise. Ma vie ne manque pas d’eau … (pour qui peut savoir).
Très beau