Abandonné e s
Comme le nez au milieu de la figure, les yeux derrière des culs-de-bouteille, comme le mégot tombé de sa bouche édentée dans le caniveau , comme l’éclat de l’obus fiché, comme en solitude sur la table d’opération livrée à la barbarie chirurgicale et à la lampe scialytique du champ opératoire, comme le sein à la science, comme à l’arrivée du train quand personne ne t’attend tout le monde descend, comme un courant d’air, comme une horloge sans ses aiguilles, comme les pinceaux dans leur pot, comme un acte de naissance au tumulte de la vie par l’administration, comme l’oiseau tombé du nid à midi en plein cagnard, comme une mère orpheline, comme le mouchoir ramassé, comme le rouge de ses lèvres sur ta peau incolore, comme les cheveux accrochés à leur brosse, comme la proie vidée de son sang, comme l’huile figée, comme le croyant par son Dieu ou Dieu par son croyant, comme une vieille chaussette, un bas de laine infortuné… le ballon devant la voiture crissante, le jour à la nuit, la nuit par la lune nouvelle, le paon par sa queue, l’arbre par ses feuilles, le convoi sans suivants, le chagrin dans la gorge, le livre sans les mots, le vide sans le regard, le blanc sans le noir, le feu sans ta flamme, les bijoux au mont de piété, le sable à la fin des vacances, la maison de famille et plus personne, comme la baleine sous les gravillons.
Comme que comme* ainsi soit-il
*expression utilisée en Helvétie
Un beau texte, dense, comme l’énergie tonitruante d’une volonté ferme, un texte percutant, touchant. Merci.
Je trouve très réussies vos associations « comme… sans… « . Je crois qu’on est là en plein dans cette impossibilité à dire le réel que Pleynet nous fait toucher du doigt.
JM
Il est fort, François, ces propositions marchent du tonnerre. Superbe texte, grand plaisir à lire ces suites qui s’enchaînent et les images qui défilent avec tant d’adéquation. Enfin l’à propos de l’expression helvétique que je ne connaissais pas, celle-là. Bravo, encore.
De la poésie et de la puissance, depuis la première partie des comme, jusqu’à la seconde qui s’en émancipe et accélèration du rythme et des images.
Je profite de ce dernier commentaire pour vous remercier tous.
Comme que comme : est utilisée plus rarement aujourd’hui qu’il y a une vingtaine d’années, du moins dans mon environnement. Essentiellement en suisse romande, viendrait de l’allemand.
voudrait dire, quoiqu’il en soit, c’est ainsi.