Cette pièce aveugle pas plus grande qu’un cabinet d’aisance (trois mètres sur trois mètres sur trois mètres ) : la loge où tu te pares. Celle-ci ou une autre qu’importe. Tu as beau te poudrer, t’oindre, te farder, l’odeur vient avec la peur. Le corps exsude. La peau sue. Viande. Vase. Mort. Pour conjurer la peur tu t’inventes un mystère. Devant toi quelques objets, autel profane : photographies, fleurs, même un caillou. Scotchée au miroir Ophélie descend le courant : son lit d’eau et de fleurs, ( de ces fleurs-là on ne sent pas l’odeur, ni du corps qui pourrit au fil de l’eau ), ou ce profil d’ange annonciateur les mains ointes arborant un lys, images talisman qui de loges en loges te protègent; un papier brûle, trait d’encens pour conjurer la peur. Ce bouquet de première arrangé dans un seau ; c’est le septième soir à tes pieds les roses meurent : l’eau de vase est comme ton corps qui se débonde, elle pue. Tu diras ta peau. Tu diras l’odeur qui prend la gorge; ce qui sue de la peau que tu abandonnes avant de franchir le seuil. De l’autre côté dans la lumière c’est l’apprêt animal des toiles peintes (colle de lapin), l’âcreté des gélatines, froides et chaudes cramées au feu des lampes, la poussière des cintres chauffée à blanc, l’haleine et la sueur de l’autre. Mais dans la lumière tu ne sens plus même ta douleur, tes sens sont en fusion exacts et déréglés, tu es cette autre que tu portes et l’étoffe de ta robe de scène prend le sillage des mots.
Super fort. Ce passage juste avant l’entrée en scène, quelque chose de primitif. Conjurer la peur, laisser pourrir les fleurs de la 1ère, le trait d’encens, les images talisman. Et cette chute magnifique : Mais dans la lumière tu ne sens plus même ta douleur, tes sens sont en fusion exacts et déréglés, tu es cette autre que tu portes et l’étoffe de ta robe de scène prend le sillage des mots.
« tu es cette autre que tu portes »
Merci Nathalie Holt. Ce texte prend, emporte, fait vivre, trembler, sentir. Merci.
J’aime beaucoup. Cette peur me parle. En tant que lecteur de Duras et de Beckett, je l’ai beaucoup assumée. Je ne sais pas quelles sont les influences ici. Il y a aussi d’autres sensations. Toute l’atmosphère est retranscrite.
Oui merci Jad , Beckett ( trois mètres sur trois sur… ) et Duras je crois qu’ils rôdent dans la mémoire .
ambiance de loge, ambiance de scène, ou plutôt juste avant… et toutes ces odeurs mêlées poussière, spots chauffés à blanc, sueur…
superbe…
Magnifique texte organique qui dit si bien la peur et le rite de passage à la lumière
Françoise, Ugo, Jad, Françoise, Muriel, merci de vos passages et lectures.
le corps et son odeur dans un huis-clos ce que la peur modifie… C’est beau. Merci, Nathalie.
que c’est beau ( » l’âcreté des gélatines, froides et chaudes cramées au feu des lampes »), merci
Merci Anne et Christine.