une dernière fois se retourner, glisser le long de la paroi utérine, descendre à pic et sans rappel, franchir le col une nuit un peu avant l’aube au tournant de l’hiver, toucher terre enfin, s’encorder aux frère et sœurs puis s’appliquer ensuite à défaire les nœuds, nouer des amitiés, briser un cœur peut-être, lire L’Amant et dans la foulée l’œuvre complète, devenir femme et écarter les cuisses
à mon tour enfanter, accoucher de mots, de cris et d’enfants, de nouveau ânonner les tables de multiplication, rabâcher les conjugaisons, aider l’enfant numéro un à quitter le nid en le jetant par-dessus bord qu’il ouvre grand ses ailes, accompagner l’enfant numéro deux jusqu’à ce qu’elle prenne son envol pour Paris, probablement couver trop longtemps l’enfant numéro trois
plus tard ne plus retrouver la lumière de ce jour de juin annonciatrice de l’été et de la mort, poser ma bouche sur le marbre d’un bras, embrasser des lèvres déjà froides, vivre avec l’absence et depuis, apprécier la mélancolie de l’hiver, contempler les arbres dénudés, ne pas goûter la verdeur effrontée du printemps, danser sous la pluie, marquer la neige vierge de mon pas nu
dans un temps professionnel ancien, sortir les rames, par temps calme, par grand vent, surfer sur les vagues au risque d’être emportée par une lame de fond, reprendre pied, s’efforcer de ne pas tomber du côté où ça penche et finalement abandonner le navire pour suivre une nouvelle route, inconnue
ne pas avoir choisi de travailler la terre, travailler la terre, se heurter à la lourdeur administrative que cela engendre, découper des îlots en parcelles, déclarer à l’Europe, être fichée, numéro-de-pacage- numéro-de-siret-numéro-de-sécurité-sociale-numéro-de-téléphone-adresse-mail-date-de-naissance, encore une fois lutter contre l’ambroisie et ne pas pouvoir venir à bout de la connerie humaine
« S’encorder aux frères et sœurs » : belle évocation d’entrée, et puis la suite… Cet Infinitif qui est le vôtre me touche par le fil continu qu’il soutient, par la rupture qu’il dit, par la volonté qu’il sous-tend et tout en restant univoque. Merci pour cette lecture.
Merci à vous.
Très fort. Merci.
Merci pour votre lecture.
Soufflée par ce beau texte puissant
Merci Muriel
j’aime votre texte simple et fort avec une mention spéciale pour le premier paragraphe et la dernière phrase du texte qui reste en suspens. Marie