La porte de l’armoire impossible à fermer, toujours ouverte, la grosse clef juste à côté, tant de linge entassé, des draps des couvertures, des taies d’oreillers, du blanc trop de blanc, au fond un carton, dedans des ventouses, objets interdits à l’enfant.
Par tous les ciels des quatre saisons, elle est refermée sur une petite cave très noire sans fenêtre, dans un coin on cultive des endives recouvertes de sable, il y a aussi sur des étagères des bocaux vides verts transparents avec un couvercle attenant cerclé de fer. Tout est recouvert de poussière. Sur cette porte deux gros clous. On y attache les pattes de derrière des lapins pour les dépecer.
La porte du couloir noir, en bois, elle est vieille elle a toujours été vieille, on l’appelle la porte de derrière, il faut la refermer toujours, ne pas laisser s’échapper les chiens.
Sans poignée elle est battante, elle est entre-deux, on la pousse, elle se referme toute seule, elle est indépendante.
Celle de la cuisine de plein air, elle est grise, la peinture écaillée, il n’y a pas de clef, seul un verrou pour la fermer. Elle a l’âge de la maison.
D’en bas de l’escalier on peut la regarder, il faut lever la tête, mais il est interdit de monter. Elle est lourde de secrets, c’est la porte du grenier.
C’est dimanche, la messe tous les dimanches matins. Pour Pâques, à la sortie de la messe, il y avait devant la porte ouverte de l’église, enfin c’est sûr au moins une fois, une dame qui tenait une corbeille dans laquelle on pouvait prendre des bouchées de pain béni. C’est la seule fois, je pense, où j’ai mangé du pain béni. Pendant la messe la porte de la sacristie était toujours ouverte, et donnait sur le chœur. Il y avait un meuble bas, plus large que haut où le prêtre rangeait à plat son habit. À 7 ans je ne sais pas le nom de cet habit. Il y avait une autre porte dans la sacristie pour aller dehors sans être obligé de repasser par le chœur et traverser toute l’église. Pour arriver devant la porte de l’église, il fallait rentrer dans le cimetière fermé par une porte-genre portail en fer qui donnait sur une allée qui montait. Et puis d’autres allées où à la sortie de la messe nous courrions, nous nous arrêtions aussi devant les tombes des morts de la famille. Je lisais les noms, je crois qu’on m’expliquait qui était là. On se recueillait. Je ne sais pas ce que je me disais intérieurement, en tout cas c’était du silence. Puis nous allions sur une autre tombe. Enfant je ne me rappelle pas être triste dans ce cimetière. Depuis ils en ont ouvert un autre à côté, plus moderne, on peut y aller en ouvrant le portail de l’ancien, et en le traversant, mais il a aussi son propre portail. Les deux portails grincent. On enlève les bouquets fanés posés sur les tombes, on les jette dans un bac en béton réservé à ça, on en met d’autres si on a pensé à en amener et on se recueille, toujours le silence. Je relis une énième fois les plaques posées sur la tombe de ma mère et pourtant je ne sais plus ce qui est écrit. Puis on repartait à pied, on passait à côté de la maison de madame Saint-Martin, et de l’autre côté dans son jardin fermé par un petit portillon, il y avait l’odeur et la couleur du seringua.
Étonnant, ce dernier paragraphe (après toutes ces petites portes) qui se déroule plus long et qui introduit du mouvement, des personnages, de la narration ; un enchainement de portes (de l’entrée de l’église au cimetière), étonnant aussi ce mélange des temps qui nous fait aller et venir entre présent et passé, merci pour l’audace!
Merci Line de votre visite. Vous éclairez mes portes d’un autre regard que le mien et je suis touchée par votre analyse. Heureuse que finalement ça fonctionne !