8 heures 44 fenêtre fermée. Note tenue du bleu du ciel aucun vibrato quoique en écoutant bien si, vibrato très serré comme les mailles d’un tricot, qui tricote le bleu du ciel ? Cliquetis des aiguilles, des grandes aiguilles très fines longues et fines en métal, cliquetis aigu. Très loin, un ballon qui rebondit une seul ballon sons différents suivant la hauteur d’où il rebondit, c’est quelqu’un qui joue tout seul, absence de cris d’interjections absence de sons humains, tout seul.
Une toux c’est moi qui tousse son du dedans j’aimerais mettre un micro dans mes poumons, je me demande. Toux grasse, épaisse, résonnante. Broyage de la tartine grillée son plus aigu au broyage des bords plus croustillants, mastication pâte de son, son blanc, son qui sait qu’il va bientôt mourir, glouglou de la gorgée de thé déglutition. Glouglou plus clair quand la tasse est pleine. Choc de la tasse reposée sur la soucoupe son bref son de deux matières cassables pas cassées, choc de la tasse au fond de l’évier grelottement de la tasse sur la soucoupe dans ce mouvement.
Fenêtre fermée, la plante de l’autre côté, muette. Imaginons, allons. Grelot des petits bouts des tiges vibration à peine chuintement plutôt que grelot les petites tiges se frottent à l’air, les grosses branches du milieu silence compact non non en écoutant bien allons note tenue infra-grave. Toujours le ballon.
Fermeture porte frigo un son très bref à peine audible suivi d’un autre plus rond, conclusif. Craquement de la chaise, un seul quand je penche à gauche et plusieurs successifs à droite, frottement des savates sous la chaise, sur le lino. Dans le couloir tout à l’heure, les savates chuintaient presque chantaient pap moum zing en glissant sur le ciment.
Le mur en face, le rempart de Philippe-Auguste, ah mais non, c’est les sons qu’on veut dire mais l’oeil est tyrannique alors ferme les yeux. Xylophone dans les oreilles pointes métalliques qui se rebondissent (comme le ballon, toujours il joue encore), ti-ti-ti-ti-ti dans les oreilles ou hi-hi-hi, ça je suis la seule à l’entendre c’est réconfortant. Impartageable et réconfortant.
Frottement de la mine sur le papier (ceci est recopié du carnet), son granuleux de mes ongles qui grattent ma nuque, son plus doux, plus grave, en grattant le cou, son similaire au frottement de la mine, discours de la mine dans une langue inconnue, choc rythmé de la couverture du carnet sur la table en mosaïque clac clac je le fais de la main gauche pour accompagner le frottement. Silence des mots écrits, frottement gris, résonance des mots dans la tête faudrait pouvoir mettre un micro.
Silence, son du silence percé de trous d’aiguilles étincelants dans la caverne de l’oreille. Très loin le ballon grondement roulement aboiement du ballon. En arrière-plan vibration des voitures qui roulent sur le quai, faible intensité c’est dimanche c’est vacances c’est comme l’été. Poser un verre plein sur la table, son tout droit sans fioritures. Laisser tomber le briquet il grelotte, il bavarde, il blablate. Il se tait. Pas le ballon.
En frappant la burette d’huile sur sa soucoupe, ça fait sauter la cuillère, caisse claire et charley dans une prise de son très aigües, acide. Le bouchon soulevé et retombé dans le goulot donne deux sons différents : grave au soulevé, plus aigu au retombé. En vieillissant, on perd les graves, raison pour laquelle j’entends tant d’aigus.
Pas de chants d’oiseaux, où sont passés les oiseaux ? Mais le métro oui, bruit d’entrailles, une sorte de colique ponctuée de spasmes. Sirène de police hyper-tendue, agaçante. Un cri : Jeanne ! Jeanne ! Un crissement de freins, une voix d’homme : Alors tu vas où comme ça, explique moi. Les tulipes à la fenêtre d’en face, mutiques. Le silence est d’or. Il vaudrait mieux se taire systématiquement. Mais nous, êtres sonores comme tous les animaux (même les serpents) on a besoin du son, c’est vital. Torture imaginée par la police allemande pour Ulrich Meinhof, prison spéciale sans aucun son. Depuis longtemps projet d’aller au désert écouter les pierres. Peut-être après ma mort j’irai.