Dans son dos quelqu’un prend des photos en se déplaçant assez silencieusement pendant qu’elle reste les yeux fixes sur le rebord d’une grande baie de l’ancienne diamanterie qu’ils visitent et dans laquelle ils cherchent des objets parmi les rebuts pour monter et assembler une future sculpture d’esprit baroque et justement sous son regard happé se tient une manière de pietà couchée faite de vieux outils, de choses à l’abandon le tout enveloppé d’un voile multiplissé de chiffons blancs de la couleur de la rambarde du balcon enneigé sur laquelle elle regarde par la fenêtre se poser sans bruit un passereau venu picorer les miettes de pain mises là tout exprès par sa mère affairée dans la cuisine à lui préparer un lait de poule destiné à soigner son angine alors que le bruit des casseroles et des bouteilles derrière elle ne dérange en rien l’action de l’oiseau dont elle peut contempler le microscopique ballet sautillant autour de son bienvenu repas qu’elle prend seule assise à la table et les yeux tournés vers la fenêtre du troisième étage où elle se trouve et qui lui permet de voir un toit rasant en contrebas du cadre au premier plan et un panorama extrêmement large sur l’entrée du parc régional du mont Pilat avec pile en face d’elle le barrage du Gouffre d’enfer et cette large vue lui donne envie d’aller constater si en allant jusqu’audit barrage elle pourrait voir la maison qu’elle occupe là maintenant à la nuit tombée où le reflet de son corps nu un peu déformé par par le vitrage irrégulier avance vers elle qui va ouvrir la vieille fenêtre sur la moiteur de la nuit tropicale de ce deux août du dernier été des années 1970 après qu’elle a fait l’amour et que la sueur pellicule toute sa peau tandis que derrière elle au fond de la chambre s’assoupit son amour de jeunesse qui par un jeu convenu entre eux lui fait de grands signes depuis la fenêtre du couloir en U de cet appartement qui tourne sur lui-même et dont deux croisées se font bizarrement face au-dessus de la cour intérieure salie par les pigeons elle répond à son salut amusée et se sent contente d’habiter ce logement particulier qui autorise d’être à l’intérieur comme si on était à l’extérieur de la chambre du milieu où elle ne cesse d’admirer par la vitre au-delà du parapet de l’étroite terrasse à hauteur d’enfant les ondulations des champs de blé que déploie le mistral et elle se dit qu’elle va essayer de décrire ce magnifique phénomène de mer terrestre tout à l’heure à l’école quand elle aura fini de manger et que de retour en classe sa maîtresse leur fera faire une petite rédaction sur le temps qu’il fait
Quelle belle suite d’impressions subtiles, de chambres, de sueurs… ce qui nous reste à la fin du texte…on passe, on glisse, on aime…
Grand merci, Françoise !
Ce texte aussi, François m’a conseillé de le développer.
Suite du projet relecture des textes à partir des sources … Rivière des fenêtres.
Merci Fil pour ce beau aérien, on se met dans les plumes de cet oiseau pour découvrir avec vous des points de vue doux et insolites. Remarquable tissage des sources !
Je suis toujours très touché par vos relectures, Déneb.
Celle-ci me redonne envie de continuer ce texte glissant de fenêtre en fenêtre. Merci !