Le bureau de l »’écrivain » : c’est une porte qui se ferme sur une petite pièce, une main aimée qui vient se poser sur votre épaule et qui vous dit : écris, ne te pose pas de question : écris. C’est un vieux bureau qui revit, un bureau qui a suivi la scolarité d’un jeune garçon. Un meuble modeste en aggloméré, plaqué d’acajou, certainement fabriqué dans les années soixante, un meuble bon marché. Je le place face à un mur comme le préconise Stephen King, dans son livre sur l’écriture. Devant il y a un fauteuil de bureau à roulettes, c’est important des roulettes, une petite poussée et on est prêt des livres de la bibliothèque.
J’écris le plus souvent dans mon bureau, dans ma voiture, quelquefois aux toilettes (rarement), dans la salle d’attente du médecin, chez le coiffeur, je n’écris pas quand je veux, mais quand j’ai quelque chose à écrire, alors je m’adapte.
J’aime écrire le matin, un café, et me lancer, dans ces heures là, la présence des autres ne vous encombre pas, elle ne vous freine pas. Mais j’écris aussi à d’autres moments, comme en ce moment le soir, parce que l’écriture c’est un peu comme la guitare, il arrive un moment où on a la main qui vous chatouille, les doigts ont envie de danser.
Je me promène tous les jours dans les champs, j’ai un gros chien, quand je suis en difficulté souvent cela se résout à ces moments-là. Et j’ai compris il y a peu, qu’il y avait trois temps à l’écriture, l’avant, le pendant et l’après. J’ai cru longtemps qu’il y avait seulement le pendant. La méthode qui me convient le mieux c’est la méthode « grand-mère », c’est-à-dire utiliser cette manière d’écrire que l’on explique aux enfants quand ils doivent écrire une lettre à leur grand-mère, noter des idées, des mots, puis rédiger un brouillon, le relire, l’améliorer et le recopier au propre.
La bascule dans l’écriture se fait par l’envie de dire, je garde, je retiens, des mots, des phrases, et même si j’écris sur un autre sujet que ces mots gardés, je relâche la pression, c’est un robinet que j’ouvre, écrire c’est aussi thérapeutique.
Les rituels, pour un roman ou une grande nouvelle, j’ouvre un cahier, je note des éléments que j’ai piratés, je commence quelques débuts, je choisis mes noms de personnages, mes lieux, je définis des listes, de chapitres, de point de vue, le moteur du chapitre, et très vite je vais sur l’écran, mais je commence toujours par le stylo, par la main. J’empile quelques livres, des essais sur les sujets qui m’intéresse, jamais de romans qui traiteraient du même sujet, j’aurais l’impression de tricher. Je prends des notes dans mon cahier et en parallèle j’écris, je fais des recherches courtes qui des fois font bouger le récit puisqu’elles se font en parallèle (c’est mal), mais ce n’est pas grave, une fois que le petit moteur du récit est en route, ma priorité est de le laisser tourner.
Les manies, gribouiller quand je ne trouve pas, annoté les livres au crayon de papier, si je le faisais avec un bic, je salirais le livre. Aucune musique, le silence est indispensable.
J’ai le vieux dictionnaire de mon grand-père, un Petit Larousse de 1975, c’est ma référence, j’ai aussi le dictionnaire historique d’Alain Rey, un dictionnaire de rime, de synonyme, j’ai un certain nombre de titres de la collection des dictionnaires amoureux (mes favoris sont ceux sur les faits divers de Didier Decoin et celui sur le polar de Pierre Lemaitre). Si je peux vous conseiller un dictionnaire, c’est le Petit Larousse de 1975, incomparable.
Merci pour ces rituels ! « une fois que le petit moteur du récit est en route, ma priorité est de le laisser tourner. » Celle-ci est aussi ma devise.
Mon Petit Larousse de 1975 est beaucoup plus mal en point que le tien; il a même perdu sa couverture!
Merci pour ce retour, j’ai pris une photo sur internet, le mien a aussi la couverture décollé.
J’envie cette facilité à écrire partout !
Ton Petit Larousse fait remonter le mien, reçu en cadeau d’anniversaire en 1977. Couverture aussi démantibulée. Après, je suis passé au Petit Robert lui aussi édition 1977 mais c’est un hasard. Et le fauteuil ! Je n’y avais pas pensé !
Merci Laurent.
les doigts ont envie de danser ou la méthode grand-mère et marcher avec un gros chien et le Larousse 1975 …C’est réjouissant!
l’ordinateur m’a rendue paresseuse avec le dictionnaire carton ( sauf près du lit) et je consulte sans arrêt le Crntl sur l’ordinateur.
Merci d’avoir joliment ouvert le « bal » des mises en écritures …
Passionnante cette entrée dans l’intimité de l’écrivain.
Merci Danièle, (pstt moi c’est « écrivain » avec des guillemets).