l’encrier de porcelaine blanche niché dans le bureau, pour la première fois y tremper le porte-plume l’odeur de l’encre violette
le satiné, la douceur de la robe de demoiselle d’honneur, bleue et ornée de liserés de myosotis roses
le bureau devant la fenêtre, le plaisir à caresser son bois, ouvrir ses tiroirs, aligner livres et cahiers et fermer à clé, à double tour, le grand tiroir du haut
une boîte pleine de boutons, de toutes sortes, en ivoire, en os, en corne, en nacre, recouverts de tissu, des grands, des minuscules, à ranger telle une mercière
le premier album de Bécassine, ses pages colorées, et elle la petite bretonne sous sa coiffe blanche, nez rond, pas de bouche, mais un magnifique parapluie rouge
la petite broche en or, une chimère dans un cercle de feuillage léger, son œil est de perle fine, nacrée
le chaton roux, sa plainte presque inaudible, il est perdu, il est sauvé, installé dans un carton, sous une couverture, il ronronne
parfum de vanille, tintement de la fourchette dans la jatte, les œufs montés en neige et le surgissement de l’île flottante décorée de fils de caramel dorés
un ascenseur dans le hall de l’immeuble, sa porte de fer forgé qui grince, un miroir, il cahote, il s’envole vers le ciel
la mer de Glace, à ras du quai du train à crémaillère, on dirait une mer agitée par le mistral qui aurait gelé, ses crevasses bleutées, sa grotte de glace scintillante
le bleu de la mer, le blanc des falaises, au loin l’horizon… passé le col de Sormiou la descente raide dans les éboulis et l’eau si fraîche
dans le clapier les lapereaux nouveaux-nés, fragiles, roses et nus, aveugles, blottis dans un nid douillet construit par leur mère avec ses poils
avec Michel Strogoff, cavalcade à travers les steppes de Sibérie, son regard volontaire, ses yeux brûlés par l’acier d’un sabre
Poupoule, l’éléphante du zoo, toute fripée, et sa trompe énorme, délicate quand elle prend les morceaux de pomme ou de pain offerts par les enfants
à l’automne les figues violettes à la peau fripée, versant leurs larmes de suc, moelleuses, savourées juste cueillies, offertes par le figuier centenaire au tronc torturé
et l’appel des marchands, chauds les marrons, chauds, tout chauds dans leurs cornets de papier, chauds aux mains qui les entourent
Tous éblouissants, et les cinq sens réveillent nos propres émerveillements avec poésie. Très, Très beau. Merci Christiane.