#nouvelles | Marie-Thérèse Peyrin |#04 Le livre dit moins que ce qu’il dit

Collection blanche

D’abord dire qu’en France, celles et ceux qui écrivent espèrent, surtout en cas de persévérance, publier un jour dans la collection blanche, faire partie des élu.e.s , des connu.e.s dans les cercles élégants et érudits, dans le voisinage des universitaires en vogue, passer à LGL, La Grande Librairie, dans le giron éphémère d’un compagnonnage intimidé, parmi quelques contemporain.e.s propulsé.e.e.s par leur Maison d’édition concurrente et soutenu.e.s par les Libraires et les Professeurs. On dira que c’est la version V.I.P.

Je regarde celui-ci, l’un des derniers arrivés sur ma table de chevet : Du même bois , de Marion Fayolle, chez nrf Gallimard, couverture jaune pâle , titre et filets rouges, nom d’auteure en caractères noirs et texte quatrième de couverture en caractères noirs saillants , ce pourraient être un autre titre, un autre auteur ou autrice, sur l’étagère, on ne verrait pas trop la différence de loin. Il s’agit ici du livre d’une ardéchoise qui écrit et dessine, mais dans ce volume là, seulement deux dessins au début et à la fin, on comprend tout de suite à qui l’on a à faire ! Juste une histoire, celle de la gamine qui a grandi dans une ferme, et qui a perdu son grand-père elle aussi, comme Ryoko Sekiguchi, une japonaise qui écrit et publie en français dans une autre collection blanche , celle des éditions P.O.L,couverture vraiment blanche, côtelée, titre et nom d’autrice bleu nuit, logo trois points du jeu de Go cher à Paul Otchakovsky -Laurens. Les deux univers n’ont rien à voir mais la sensibilité est semblable, utilisant tous les sens pour capter l’environnement proche humain et non humain. La matérialité du livre ne le sait pas. On ne peut pas demander à un livre en papier d’être aussi explicite envers ses lecteurs, ses lectrices , rien qu’en le regardant ou en le manipulant. Il faut ouvrir chaque livre au milieu, à n’importe quelle page, pour savoir où l’on est et d’où ça parle.

Biblothèque rose & verte

LITTERATURE JEUNESSE : Ce sont des livres qui attirent d’emblée par leurs couleurs et leurs images mais qui réunissent des histoires reliées entre elles par des personnages et des intrigues. Moins austères que les livres des grands, plus prêtables avec leur couverture renforcée et pelliculée. Ce sont les ancêtres des séries télévisées et des B.D., on attend la suite… Les auteur.e.s finissent par être validés par le nombre d’exemplaires vendus à une frange donnée de population pré-pubère principalement,et en cours d’apprentissage des « choses de la vie » sans trop de secousses émotionnelles. A partir de 7 ans , l’âge de raison, et de la maîtrise de l’alphabet appliqué, tout est fait pour entrer dans la langue verbale écrite. Les aventures restent dans la moyenne des côtes d’alerte pour la bienséance (la paix des foyers) et la conformité lexicale ou orthographique. Caractères plus gros et mise en page moins dense pour les primo-apprenants, Idéal pour former le lectorat au plaisir mêlé à l’endurance dans l’appropriation des textes. Les parents avisés et désireux de voir leur progéniture plonger dans le silence en même temps que dans la lecture ont investi dans ces livres cartonnés? ce malgré les problèmes de budget de fin de mois. « La Bibliothèque Rose rassemble toutes les histoires où l’humour et l’émotion priment, tandis que La Bibliothèque Verte regroupe les livres d’aventure et d’action. » Martha et ses frères ont « dévoré » les volumes qui étaient à leur disposition et se les disputaient, heureusement , la Comtesse de Ségur (1799-1874) était trop rose pour les garçons, et Jules Verne trop aventureux pour les filles, un petit monde bien genré, chaque sexe dans sa chambre ! Les malheurs de Sophie et surtout Après la pluie et le beau temps de la Comtesse de Ségur ont été lus des centaines de fois, en boucle….Qu’en reste-t-il ? Sans doute le souvenir de l’injustice familiale et une conscience de classe sociale bien établie.

A propos de la Bibliothèque Rose : https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/jeunesse/livres-la-bibliotheque-rose-une-collection-au-bon-parfum-de-l-enfance_6483203.html

Sur Wikipédia retrouver les titres de la Bibliothèque Verte : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_romans_de_la_Biblioth%C3%A8que_verte

Livres de lecture courante

Les premiers ! Je vais le dire encore. Ce sont les préférés. L’émotion qu’ils ont suscité à leur découverte, tous les premiers jours de la rentrée scolaire en primaire, leur matérialité justement, a beaucoup joué dans l’amour de la lecture. L’alphabet et la lecture silencieuse ou à haute voix « au doigt » pour suivre la ligne, devant les autres restent des miracles absolus. Savoir lire entre 3 et 5 ans par étapes non réversibles est la plus noble conquête de l’enfant. Le livre devient un talisman avant de devenir un grigri.

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.