Et ça ne faisait rien, pourtant : un cloaque. Comme jouer sous la pluie avec le seau plein de terre : non ce n’est rien. La boue sortie d’un coup ( Et la montagne qui se dresse acérée se penche et rit)… Non ce n’était rien … : on allait tout changer, on n’y verrait plus rien : on va tout nettoyer ce sera comme avant même mieux … juste se lever d’abord, rien qu’un petit effort : attention doucement pour ne pas voir danser les mouches… Les pieds ont soudain peur sur le plancher : non je ne veux pas regarde il bouge ! ( ce sont les larves des mouches elles grouillent comme sur l’image interdite dans le livre des morts sans visages… elles vont tout dévorer, commencer par les pieds, remonter..). : mais de quoi parles tu enfin, tu as la fièvre! Et la main prend forme d’amande elle s’incurve pour embrasser le front brûlant ( le parfum au poignet rien qu’un instant comme ouvrir la fenêtre et il y a des fleurs) : allez viens on va faire partir cette boue. Les mains se glissent sous les aisselles elles soulèvent le corps lourd sans poids. L’enfant est maintenu debout dans le bac de faïence, l’eau tiède s’écoule, sur l’étoffe d’abord, noire… puis doucement comme retirer une peau malade les mains ôtent l’habit de nuit tout collant, il tombe en tas, on dirait une petite île autour de laquelle l’eau tourbillonne … l’eau qui se défait de la boue et s’échappe de plus en plus claire vers la bonde… l’eau devenue transparente toute bonne à boire puis le corps soulevé, sa peau neuve roulé dans la grande serviette rugueuse. Mais dans la chambre l’attend l’autre corps, prostré dans le recoin : le sombre… Le matelas a été retourné : plus de peur que de mal… les draps ont l’odeur de lessive, c’est la couverture d’avant qui recouvre le lit d’à présent (celle de quand tout petit, plus petit encore) … un baiser sur le front puis le gant mouillé froid… la voix douce chuinte en rejoignant la lueur jaune du couloir… Mais dans le recoin, prêt à bondir, il attend : l’autre corps…
Bonjour,
On est dans un sacré film, Nathalie, avec ce texte, où, à quel âge, quand, comment, tout se brouille, je pense à ce qu’on voit sur certaines soieries : des impressions colorées plus qu’un motif et pourtant un monde, des transparences de près, si intenses d’un peu plus loin, ici la fièvre bat son plein, et ses jaillissements forme un motif jamais vu.
Je lis ton texte et les premiers autres en ligne, et je me dis Comment y aller à présent, quel surgissement va-t-il falloir toréer, car oui tous vos textes, et le tien particulièrement par la quasi-dystopie qu’il instaure, semble transparaître puis installer un combat puissant de bête et de coeur.
Merci pour celui-ci,
Merci beaucoup Catherine le texte est le matin très vite ( c’est un peu emmêlé et confus … mais besoin de cette urgence)
« un baiser sur le front puis le gant mouillé froid… » on y est ! Très belle évocation des délires de la fièvre et le gant qui fait tellement écho. Un morceau de mon enfance oubliée qui m’éclabousse le visage. Merci pour ces mots.
Merci beaucoup Camille … ( le gant sur le front s’est transmis )
j’ai l’impression qu’on croit que l’autre corps est là, qu’il va surgir, qu’il ne fait qu’attendre – et qu’aussi il n’y a rien d’autre que soi – soi-même – peut-être n’est-ce que la fièvre ou la maladie – qui a à voir avec l’or, l’espoir de découvrir, de faire (en un sens) fortune – cette enfance/jeunesse-là…oui (merci)
Merci Piero pour la lueur dans le sombre…
« Et la main prend forme d’amande »
Merci Nathalie Holt pour le clair et l’obscur de ce beau texte qui colle à la peau. Je suis bien d’accord avec Piero Cohen-Hadria qui le souligne : il y a de l’alchimie dans votre talent à transmuter des fragments. admiratif. Bravo et grand merci.
Merci Ugo …de l’alchimie oh j’aimerais bien
superbe tout , la forme, le fond
et avec mon amour de la tendresse « Et la main prend forme d’amande elle s’incurve pour embrasser le front brûlant ( le parfum au poignet rien qu’un instant comme ouvrir la fenêtre et il y a des fleurs) : allez viens on va faire partir cette boue. »
mais il y a l’autre corps
Merci Brigitte d’avoir vu la tendresse dans la tourmente.
Je trouve le rythme de ce texte formidable. Souvent, je tends vers ça, quelque chose comme ça. Le voir ici réalisé me conforte. Merci Nathalie
Merci beaucoup Emmanuelle. J’aimerais tendre vers ça et bien souvent je suis ailleurs.