-Combien table Montgolfière ?
-Quatre.
-Ok. Je les dresse.
-Ils sont passés tout à l’heure, l’Hostellerie du Château est complète…
-Ah…
-…et ils n’ont pas vu le menu.
-Ah…ben on verra bien.
D’abord les serviettes, en papier, c’est qu’on n’a pas le budget d’un étoilé. Puis les couverts : quatre couteaux, quatre fourchettes. Poser les serviettes le temps de saisir les verres à eau dans la main gauche sous les couverts, puis reposer les serviettes sur les verres. Et c’est parti.
-Bonjour…
-Bonjour, on a réservé à quatre à l’intérieur…
-Bonjours, entrez donc, c’est ici…
Pourquoi désigner la seule table de quatre disponible à l’intérieur ? Comme s’ils allaient essayer de se mettre sur des tables de deux…Pourquoi désigner cette unique table dressée de quatre couverts ? Pourtant elle le fait. Son bras se déplie et indique la table préparée pour les quatre. Ils ont un certain âge, un âge « Hostellerie du Château ». Ce n’est pas qu’elle n’est pas sûre et certaine de la qualité de ce qu’elles font. Mais ça peut heurter les a priori gustatifs des personnes les plus rodées à l’expérience restaurantesque. D’ailleurs elle n’arrête pas de le dire à qui veut ou ne veut pas l’entendre : ici, ce n’est pas un restaurant.
Ils s’installent, ensemble. Quasiment simultanément. Les gestes sont précis, même si un peu lents. Retirer légèrement la chaise de la main gauche, passer une première jambe sous la table, puis s’asseoir. Bien sûr, bien sûr. Une des deux dames va aux toilettes. Bien sûr, bien sûr.
Ils ne sont plus que trois. Et ça sonne tout de suite « faux ». Il manque une croche. Elle détourne même les yeux le temps que la deuxième dame revienne. Comme pour ne pas voir ce qu’elle voit. Elle s’occupe. Un lave-vaisselle à vider, un lave-vaisselle à remplir. Une carafe ou deux à remplir. La dame tarde. Elle essuie le plan de travail, encore deux fois. La dame revient.
Ça y est, ils sont quatre, assis à la table Montgolfière. Elle peut faire semblant de ne voir que ce qu’ils veulent bien montrer.
-Alors Messieurs, dames, je vous prends cinq minutes pour vous expliquer… ?
-Oui, oui… ! répondent-ils presqu’en mesure, un canon un peu à côté, mais comme ils sont seuls dans la salle pour le moment, personne d’autre ne l’aura entendu. Et elle fait si bien semblant, même si ça l’épuise.
-Donc, … .
Le repas se passe, les assiettes sont vides, l’examen est passé. L’épreuve subsidiaire : les desserts. Passée aussi. Ils ont même pris une assiette de fromage.
Au moment de payer…
-Alors messieurs, dites-moi, comment fait-on ? Je fais la totale et je divise… ?
-Par deux !
La vieille caisse enregistreuse fait ses gammes, pas de multiplicateur, chaque élément ligne à ligne. Au moment de tendre la machine à carte bleue au premier monsieur :
« ça s’est bien passé ? »
Là. C’est exactement là que ça « s’est passé ». Le deuxième monsieur, un peu en rentrait, n’a pas pu empêcher une phrase de sortir presque totalement :
« on a même été émerveill… »
Presque. Il ne manquait que l’accord. Probablement plus tard. C’est déjà pas si mal.
-Oh ben tu peux dresser tout le monde, ce sera fait…
« Et ça sonne tout de suite « faux ». Il manque une croche » (à quel point il est musical ce texte)
rahhhhhhhhhh…la musique…faudra que.
Suis rentrée dans la danse du service, dans l’inquiétude de savoir s’ils vont aimer, s’ils ont aimé, les quatre… et oui… émerveill…
ça alors, c’est top
je suis ravie !
merci Alexia pour cette ronde enlevée et très joyeuse
Tout élément de cette histoire est purement « réel », les décors sont de Roger Hearth et les costumes de Donald Card-well…
un bien joli ballet de service !
je prends une douche…et j’y retourne!
Vous auriez une table pour plein ? Car c’est alléchant d’être ainsi émerveill…
pas plus de 5!!!
c’est c’qui fait le charme zaussi…
Alors plusieurs tables, pour les Tiers-Livreux.ses réuni.es ?
rahhhhhhhhhhhhhhhh…normalement, normalement..on n’est po normales…
Fô j’en parle à la cuisinière en chef, on pourrait voir à organiser ça, mais pas en pleine saison…pitêtre vers du fin septembre…pour le moment, on fait du tri sélectif de juillettistes…et y’ aôut qui nous r’garde en rigolant…par contre on a de plus en plus de « locaux »…ça fait juste 15 ans que Blanche à ouvert…y’a des trucs qui prennent un temps certain, voire un certain temps…