Pas bien dormi. Pas avant 2 h je pense. Cachet finalement. Donc réveil caoutchouteux. Regard torve au réveil qui marque 8h30. Au radar, préparer le café, l’oeuf à la coque avec sa tranche de pain. Radio pour les nouvelles en mâchant, en me réveillant. Allongée sur le canapé pour tester l’énergie. Suis-je bien réveillée ou pas ? Sans conviction. La tornade aux Bahamas : impuissance à réguler le climat, manque de volonté/la rentrée scolaire et les interviews qui se succèdent, les mêmes depuis des décennies. Déprimant. Me relever, allumer l’ordi, regarder l’agenda pour aujourd’hui. Rendez-vous à 11 h, un autre à 17 h. Penser à prendre un r.v. avec Manu. Il est 9h05. Faut que je parte impérativement à 10 h pour être à l’heure car je dois passer à la banque prendre de l’argent. Combien ? Pour la semaine ? Où ça ? Les gilets jaunes ont cassé les distributeurs de la gare. Rapide parcours mental. La plus proche : la caisse d’épargne. J’aurais dû écrire l’écureuil. Rentrer le mot de passe dans l’ordi. Bienvenue à l’écran. Aller à la messagerie. Répondre à une demande de stage par la négative… serai en déplacement professionnel à cette date… désolée. Supprimer les messages pub. Aller sur le site du journal Le Monde. Lire les titres puis en sélectionner deux. Lire le premier article, aller me resservir un café avant de lire le second. Regarder mon tél.portable. M’apercevoir que j’ai des messages. Constater que je ne peux y accéder. Essayer d’appeler sans succès. Mon tél. ne fonctionne pas. La poisse. Prévoir de passer chez l’opérateur si ça continue, ça continue quoi ? L’impatience. Boire mon café en lisant le deuxième titre. Lire trois contributions sur Tiers livre. Regarder l’heure. Aller me laver, choisir une robe, m’habiller, me maquiller, sortir.
Je suis à l’heure, il commence à faire chaud mais l’air est encore un peu frais, dieu merci. Devant la gare, j’aperçois une silhouette de dos qui monte un escalier, je note sa démarche un brin lourde puis son allure générale et j’enregistre qu’elle est d’un certain âge. Je réalise que je connais cette femme et je décide de l’éviter. Pas le temps. Et aussi mal à l’aise. Redoute levieillir. Continue mon chemin vers la banque et son distributeur. Tout bon. Maintenant l’arrêt du tram. C’est la rentrée : beaucoup de jeunes, tous frais, tous beaux, tous bruyants et presque tous sur leur téléphone. Le tram arrive vite. Je trouve une place à côté d’une chevelure brune aux ongles longs et mauves qui tripote un clavier. En face de moi, une autre chevelure brune aussi et très bouclée soyeuse qui tripote aussi. Et à côté d’elle une dame d’un âge presque avancé chaussée d’espadrilles blanches à fleurs grège. aurais-je pu les acheter ? Question lancinante. Quelques arrêts et la jeune fille à côté de moi se lève, j’en profite pour me glisser à sa place, épaule droite contre la fenêtre. Ainsi calée, je rêvasse sur mon r.v. J’arrive avec un bon quart d’heure d’avance donc m’assois à la terrasse du seul café alentour et commande une menthe à l’eau tout en parcourant d’un oeil le quotidien régional.
Pendant le rendez-vous d’une durée d’une heure, je raconte entre autres ma sélection de fragments d’écrits ou plutôt je dis que j’ai relu des trucs que j’ai écrits, que j’en ai sélectionnés, les moins pire, et qu’ils ressemblent -les écrits- à des sortes de nature morte… je précise qu’ils sont sans chair. Je mesure aussi combien il y est question de vide… d’un sans avant et d’un sans après. Ca m’attriste ? Je ne réponds pas. Elle parle d’un effondrement et j’acquiesce. Choisit-on ce qu’on écrit ? Le plus difficile pour moi, c’est de m’abstraire du quotidien, de me mettre dans un état de disponibilité totale où rien n’est programmé et de laisser faire, de laisser advenir. Avec cet atelier, je fais autrement et j’ai aussi du mal mais autrement. Je me contrains. Retour avec le tram. Un petit garçon -trois ans ?- avec son papa et son sac à dos/cartable tout neuf. Il mange du raisin avec quelque chose de dur dedans « pépins » dit le papa. Faut que je passe chez SFR avant de rentrer. J’ai la dalle. A quel arrêt vais-je descendre ? Bon choix. Boutique à 100 m. J’explique sans m’énerver. La vendeuse éteint le portable puis le rallume. Ca marche. Je souris, lui souhaite un bel après-midi, consulte mes messages. Je rentre à pied.
J’enlève mes chaussures et je prépare le repas. Concombre et pêche en salade, aubergine/tomate (déjà cuites) avec riz et truite (déjà cuits). J’ai faim. Pendant que le riz cuit, j’allume l’ordi et lis mes messages. Y’a pas celui que j’attends. Y’a pas. Je téléphone à Manu. O.K. pour un r.v. pour demain. Parfait. Je mange tranquillement en écoutant la radio. Je décide qu’avant 17 h je me mette à la consigne 8. Je la relis Christa Wolf Un jour dans l’année. Je cherche l’extrait sans le trouver, je cherche le fichier qui contient mes textes. Je m’y mets. J’écris le titre 27 sept je supprime j’écris 03 sept. Je décide de laisser faire la mémoire. Il est 14 h quand je commence, maintenant au moment où j’écris ces derniers mots, il est 15h57. J’enregistre et je fais une pause. Dans une demi-heure, je dois aller à mon r.v. de 17 h.
Je m’y recolle. Pas vu le temps passé. Suis partie à pied au r.v. d’une heure et en suis revenue à pied. Crevée. Passée chez Catherine arroser les plantes. Deux étages à monter. Idem chez moi après. Fourbue. Il est presque 20 h et de nouveau chez moi, préparer vite fait le repas. J’ai faim. Des amandes à croquer en attendant. Sur le chemin du retour, j’ai pensé au travail qui reprend la semaine prochaine et ça m’angoisse. Disponibilité face aux stagiaires, vidée le soir. D’avance, je sais que ça va être excitant et fatigant et que je préférerais m’exciter sur le travail d’écriture. Je sais que je suis incapable de mener les deux de front. Il va falloir attendre que le volume des interventions soit plus léger. Frustration. Impatience. L’impatience. Me tenir à l’écriture et à ce qui la précède et la suit, la lecture. Comment font ceux qui écrivent en travaillant, en s’occupant d’enfants ? Foi en soi ou niaque ou revanche à prendre ou place à se faire ou urgence à s’inventer ou tout cela à la fois ? Réponse inopportune. Pour moi en tout cas. Je dîne. Je réponds à un sms. Je n’écris pas. Je noie le poisson. Je regarde un film en replay avec Binoche et Auteuil. Je suis sensible au découpage, aux séquences. Au rythme aussi. Ce qui me fait me dire que cette proposition que je mets en mots, là, ces bouts de situations inscrites dans du temps que je raconte, pourquoi les séquencer ? Est-ce judicieux ? A mon avis, non si c’est du temps qui court et oui si ce sont des moments qui sont notés. Et si c’est du temps qui court, quelle ponctuation ? Des … entre les mots ?
Je laisse comme ça, en moments, avec retour à la ligne et saut. J’arrête. Je vais éteindre l’ordi, aller me coucher. Il est presque minuit. Je m’empêche les prolongations (donc les prolongements comme par ex. le journal, sa sincérité dans l’instant car je me rends compte que je ne dis pas tout, volontairement). Etonnement à constater qu’il est juste minuit, enfin maintenant passé de qq minutes.
Bravo, quel rythme, on y est. ! Merci pour cette intimité que vous donnez à lire dans le déroulement d’une seule journée. J’aime beaucoup.
Moi aussi, j’apprécie le fait que ce texte soit une vraie page de journal. Merci beaucoup.
on vous lit d’une traite, plaisir de vous suivre dans la « vraie » vie.
Merci. Merci beaucoup.
Merci pour ce texte qui m’a profondément touchée. J’ai particulièrement aimé la façon dont le récit saisit ce quotidien qui taraude temps, tellement humain, ce que j’ai essayé de dire mais là mais là c’est dit de façon tellement juste, concrète, réelle, ancrée, palpable. On y est et on a envie de vous suivre encore et encore.