L’œil vient juste de s’ouvrir. Regard de vase. Avant de se mettre debout le pied gauche se pose lentement sur le parquet puis le droit le corps se déplie hésitant se secoue de la tête aux pieds comme une poupée de chiffon dans l’espoir de recouvrer sa souplesse. Une respiration plus forte accompagne le mouvement.
C’est écrit dans l’air il suffit de parcourir les trajectoires rectilignes de la lumière peuplées de poussières d’air rendues visibles par le rayon de soleil qui pénètre dans la pièce à travers les volets. Entrelacement de points lumineux de petits êtres qui suivent des chemins désordonnés construisent des labyrinthes et des écritures singulières. S’en approcher tenter de les décrypter.
Dès l’ouverture des volets et de la porte-fenêtre donnant sur la terrasse recevoir le premier air frais du matin comme un retour à la vie coup de fouet magique. La lumière extérieure dope l’ensemble l’œil est vraiment éveillé. Regard circulaire. Il contemple au-dehors le premier spectacle marin. Un goéland leucophée à manteau gris et pattes jaunes sentinelle sur le plongeoir lance son cri strident agite sa tête de mouvements brusques puis s’immobilise. Il regarde l’horizon en cherchant l’infini.
Survoler le bureau l’ordinateur les papiers amoncelés les notes diverses qui ressemblent à des épluchures et se demander où est le fruit. Observer la mygale bleue celle qui hante rêves et écrits. Elle a pris la forme d’un bijou ce matin posé sur une étagère de la bibliothèque. Pattes argentées, corps transparent taillé dans une pierre bleue. Se relier à elle. Le temps s’enfuit des portes invisibles s’ouvrent.
Observable de la terrasse le balayeur de rues tout de jaune vêtu muni d’un balai et d’une pelle à manche télescopique ne se baisse jamais. Rien à voir avec les femmes indiennes de basse caste le dos plié en deux et maniant avec soumission leur balai de tiges séchées à manche court. Il marche lentement et parait très concentré sur sa tâche.
Écrire lever la tête. Le ciel n’est plus uniforme des nuages gris et violets ont surgi. La mer est plane les mouettes s’agitent trois baigneurs téméraires trois petites boules affleurent sur l’eau. Des avirons défilent à toute vitesse et semblent rejoindre l’horizon.
La chatte noire aux yeux dorés saute sur le bureau et choisit la place la plus perturbatrice qui soit le clavier. Texte ésotérique assuré. Constituer un dossier dédié à ses productions énigmatiques. Plus tard elle s’enroule sur elle-même ronronne ouvre ses yeux puis s’endort.
Sur le bureau un tube salvateur de crème pour les mains. Présence incongrue à côté d’outils de travail. Les mains s’en emparent s’en enduisent leur sécheresse disparaît pour quelques heures. Les empreintes seront grasses et l’écriture deviendra plus fluide.
La maison est en ordre les fenêtres régulièrement grandes ouvertes selon la prescription anticovidienne. Un vent subit en a profité pour pénétrer brutalement dans la pièce disperser papiers fleurs et faire claquer les portes. Apprécier l’alternance ordre désordre rythme vivant qui incite à l’adaptation et à la souplesse.
Lire écrire téléphoner aucune sortie prévue les heures passent vite pourtant. Tu fermes parfois les yeux. Regard intérieur. Tu voyages dans des lieux inconnus retrouves des êtres chers ton corps ne semble plus alors avoir de limites.
La nuit est là le silence du soir envahit tous les espaces. Le téléphone ne sonnera peut-être plus. Le cou est un peu raide les yeux fatigués le regard inquiet la mélancolie pointe le bout de son nez avec délicatesse. Tu manges du chocolat tu écoutes de la musique tu dévores Dupin.
Très joli texte, merci.
merci à vous Laurent de votre écho
( poussière- note épluchures- lumière – la mer là devant – araignée du jour toujours ) Le jour se déploie et c’est très beau
merci beaucoup Nathalie de votre passage
Balade tranquille et délicate à travers les heures.
merci Louise de votre passage
Envie de vivre cette journée qui semble se dérouler paisiblement, pleine d’émotions délicates et sensibles, en dentelles d’ombre et de lumière.
j’aime beaucoup vos « dentelles d’ombre et de lumière »
merci Monika de votre écho
Oh oui, et comme souvent… (du moins il me semble l’avoir remarqué) le texte se déploie peu à peu et atteint son ampleur dans la deuxième partie
soudain plus d’aisance et on se retrouve à voyager avec ce « tu » qui survient dans l’avant dernier paragraphe et on lit avec toi, on perçoit ce regard intérieur
et j’aime cette présence animale…
j’entends bien Françoise ta remarque sur le second temps.
le temps du lancement
merci de ta lecture